lundi 6 décembre 2010

SCOTT PILGRIM VS THE WORLD


Avant de voir ce Scott Pilgrim, j’étais confiant ; le britannique Edgar Wright avait réussi avec son premier film, Shaun of the dead, à tourner une histoire d’amour qui réussit à réconcilier les amateurs de romance et les fans de zombies. Ces derniers redécouvraient les joies d’une comédie romantique légère dont la réussite prouvait également aux autres que le mythe du zombie était désormais définitivement sorti des carcans de la sous culture, et pouvait s’imposer à tous, en toutes situations.
Même si son second film, Hot Fuzz, connaissait quelques problèmes de rythme, Wright signait néanmoins là un second métrage éblouissant dont la mise en scène et l’interprétation étaient à l’unisson d’un scénario rocambolesque ponctué de savoureux dialogues absurdes. Une nouvelle réussite.

L’inverse total de ce Scott Pèlerin… ce qui pourrait nous interroger sur la viabilité des adaptations de comic célèbres sur le grand écran…
Le tout naze Kick Ass avait déjà crucifié le trop discret Defendor, prouvant par là qu’un film avec une histoire de merde, mal racontée, aux mécanismes narratifs éventés et définitivement poutré par une mise en scène ridicule pouvait s’imposer comme un film moderne, censé refléter la culture « geek ». Une culture à la con, défendue bec et ongle par des troupeaux d’imposteurs qui pensent fièrement incarner une sorte d’élite culturelle qui pourtant ne repose ni plus ni moins sur la consommation de masse. La descendance triomphante de cette guilde secrète qui défendit des films obscurs comme La Guerre des Etoiles et pesta contre le départ de Grokouik vénère aujourd’hui des œuvres aussi pointues que Spiderman 2, la trilogie du Seigneur des Anneaux ou n’importe quel film qui se dandine sur des millions de dollars. Ils jouent depuis 20 ans à des jeux videos aujourd’hui vendus à des millions et des millions d’exemplaires tout en se tripotant doucement dans les vapeurs d’une espèce de doux rêve collectif leur susurrant à l’oreille qu’ils ne sont pas comme les autres car ils sont différents et qu’ils ne sont pas de ce monde car ils sont asociaux. Bref, ils se pressent par millions dans les travées des multiplexes ou dans les rayons JV de Carrefour persuadés d’être sortis du troupeau.
Scott Pilgrim, comme Kick Ass ou Cyprien, montre la revanche de cette image de pauvre têtard boutonneux qui puisera son pouvoir dans les mondes alternatifs dont il possède les clés (il parle klingon ou sait jouer la ligne de basse d’un thème de Final Fantasy par exemple) pour accomplir une quête qui se limitera toujours à enfiler la bonasse du lycée. Les geeks d’aujourd’hui sont devenus leurs propres héros, délaissant les héros charismatiques aux pouvoirs improbables sur lesquels ils fantasmaient avant, dans la création d’un monde nostalgique idéal en se faisant caresser dans le sens du poil par la régurgitation jouissive d’une culture qu’ils aiment à penser comme alternative.

L’univers geek de Scott se résume donc à celui de jeunes blancs becs banlieusards qui écoutent du rock californien, has been depuis 15 ans et jouent à des jeux videos old school en salle d’arcade. Tout, ici, semble être affaire de nostalgie. L’histoire d’un inadapté social qui va tomber amoureux de la jeune fille mystérieuse et branchée (pauvre Mary Elizabeth Winstead) dont la coolitude réside dans un accoutrement (lunettes, rollers, mèches colorées, il manque que le walkman) qui devait dépoter dans les cours de récré, en 1988. L'histoire d'amour sera parsemée d’embûches, des confrontations avec les 7 ex diaboliques qui représentent tous un côté de la coolitude (qui parodie les icones célébrées par nos petites soeurs) que n'a pas notre héros, mais dont la vaillance du cœur alliée à une pratique intensive de la console viendra à bout. Au final, le jeune débile pécho la meuf, sous l'œil entendu de la rivale qui, elle aussi, aura appris à ouvrir son cœur.
C’est ni plus ni moins que la culture branleuse de trentenaires nombrilistes qui se sublime par une affolante incarnation juvénile tout en évoluant dans un univers aseptisé à la Amélie Poulain, où tout est propre et rose, sans culs de joints dans les cendars et sans palette de graffen dans l’entrée.

Et puis c’est surtout difficile de voir en Scott Pilgrim autre chose qu’un reliftage « geek » d’histoires romantiques cul-cul la praline jadis réservées aux fans de Hartley Cœur à Vif. Un upgrade pour les jeunes connards qui cherchent à tous prix à défendre n’importe quelle merde pour avoir, eux aussi, leur Star Wars ou leur SDA, espérant faire partie de l’Histoire, à l’instar de nos ancêtres toujours prompts à verser dans la mélancolie va t’en guerre.

Un tel ramassis de connerie pourrait passer si on avait eu un scénario assez malin pour prendre un peu de recul, y mettre du second degré ou raconter quelque chose, du moins quelque chose de plus intéressant qu’inscrire « dring » sur l’image lorsque le téléphone sonne. Raconter une histoire avec un enjeu narratif qui serait servi par des personnages qui ne seraient pas totalement unidimensionnel et aussi caricaturaux. Tout ça aiderait le spectateur à ne pas se faire autant chier, surtout si dans le même mouvement les dialogues étaient drôles et que les acteurs ne semblaient pas se demander ce qu’ils foutent là chaque fois qu’ils sont à l’écran sans avoir de réplique à donner…

Scott Pilgrim vs the world est loin d’être un bon film, c’est un film chiant, répétitif et idiot, n’ayant rien à proposer au-delà de l’invitation faite aux spectateurs trentenaires à fantasmer sur des adolescentes dans un édifiant sentiment d’autosatisfaction les persuadant au final qu’avoir passé les 15 dernières années de leur vie à jouer sur une console pourra finalement leur être utile à lever une gamine…

et c'est juste écœurant...