samedi 30 avril 2011

WORLD INVASION : BATTLE LOS ANGELES


Les invasions aliens d’outre espace et les super héros qui défendent le cœur de l’Amérique sont décidemment les divertissements à la mode de ces dernières années… Ainsi chaque semaine se déversent les projections culturelles des crises propres aux époques troublées. Des multiplexes où s’écoule l’huile du popcorn industriel aux bacs à dvds soldés dans lesquels s’entassent les pâles imitations fauchées des dispendieuses merdes des studios, l’Amérique a un message : Elle est en danger. Un message dramatique qui tourne en boucle et qui s’adresse à la planète mais qui s’échoue lamentablement devant les yeux blasés des amateurs de maïs soufflé et des ménagères égarées du monde entier. On dirait un peu ces phoques piteux qu’on voit entassés sur ces hostiles plages du Nord, couvertes de galets, et qui observent ahuris ce que l’océan leur rejette, jour après jour.

A Hollywood, on s’échine à faire briller un cinéma qu’on aurait aimé croire archaïque ou du moins démodé. Un cinéma galvanisant. Un cinéma fait pour le moral des troupes qui se battent et pour celui des mamans qui votent. Un cinéma qui doit rendre l’armée glamour et qui repose sur des sentiments nobles, comme le sacrifice, l’héroïsme et la patrie, un cinéma qui célèbre la famille et son besoin de sécurité. Un cinéma de l’honneur et de la fidélité, un cinéma du rétablissement de l’ordre. Un cinéma qui te donne envie de montrer tes papiers et de baisser les yeux. Un cinéma qui a des valeurs et qui te prend pour une merde.
Et à Hollywood, nombreux sont les candidats prêts à investir et miser sur le tragique. Le système et les bureaux de liaisons entre les Studios et le Pentagone trouvent toujours des laquais dont l’échine est assez courbée pour leur permettre de tartiner à genoux leurs biscottes de propagande.
Aujourd'hui, c’est Jonathan Liebesman qui accède au poste de wannabe Emmerich. Liebesman, c’est un réalisateur d’une trentaine d’années qui, de concert avec quelques autres réals de sa génération, ont décidé de chier de concert sur l’héritage qu’ils déclarent vénérer. Réalisateur fossoyeur du prequel du remake de Massacre à la tronçonneuse, Liebesman a enfin gagné le droit d’aller jouer à la guerre aux commandes d’un blockbuster triomphant, véhicule des valeurs positives d’une Amérique qui se cherche une unité par la noblesse d’une cause et la justesse d’un combat fédérateur. Comme un camé tout glaireux qui replanterait inlassablement sa seringue dans son bras en espérant faire du fantasme d’un ancien bonheur fugace, passé depuis longtemps, une réalité, l’Amérique semble passer son temps à s’auto flageller dans le spectacle sans cesse renouvelé de sa destruction pour avoir le plaisir pervers de se repaitre de son obsession d’unité patriotique. On cherche à revivre la communion nationale des autocélébrations post 11/09, ad nauseam.

Ce coup ci, des aliens débarquent sur la côte Ouest et attention, pas de méprise, le titre World Invasion Battle : Los Angeles n’a rien à voir avec le vieux groupe funk altermondialiste Rage contre la Machine. Il s’agit ici d’une référence à un célèbre incident survenu en 1942 à Los Angeles et dont s’inspire le 1941 de Milius et Spielberg. Le caractère franchement génocidaire de cette armée alien, couplé à une réalisation au plus prêt des troufions façon Soldat Ryan finit de donner une ambiance très « WW2 » au film jusque dans la résurrection du fantasme d’une attaque japonaise frappant L.A…. World Battle Invasion Los Angeles, c’est Pearl Harbour 2. La cause est juste, la guerre est juste, les enjeux sont simples, la Nation doit être protégée. Au-delà de singer maladroitement le cinéma de guerre des années 60, le film de Liebesman développe son ambiance militaire au travers d’images aux références visuelles nettement plus modernes. La réalisation dont la grammaire s’arrête au pénible effet « caméra à l’épaule » provoque une image chaotique et de nombreux hors champs censés reproduire la représentation de la réalité offerte par les films tournés par les soldats eux-mêmes lors des conflits récents. Ainsi Liebesman déclare s’être inspiré des combats à Fallujah pour le style de son film. Du Soldat Ryan à Black Hawk Down, en passant par la puissance iconique des images amateurs, World Los Angeles Battle Invasion réutilise un langage visuel, non pour l’interroger, mais seulement pour convoquer sa dramaturgie, cherchant à provoquer un reflexe quasi pavlovien d’empathie. La guerre finalement, est-elle devenue autre chose que le laboratoire de ses futures représentations ? Les conflits passent, les films restent. Aujourd’hui si l’on pense au débarquement, difficile d’imaginer autre chose que Mitchum et Fonda papotant sur une plage, le conflit vietnamien ressemble à une grosse partouze où il était question de surf et de napalm… La représentation fictive remplace la réalité. La guerre aujourd’hui se mène également sur le terrain imaginaire.

Mais mélanger ainsi l’idée de la dernière guerre « juste » (et surtout gagnée) aux images de combats contemporains provenant de conflits aux issus et aux enjeux plus que discutables provoque forcément un certain malaise par l’évidence et la balourdise du procédé. A aucun moment le choix de la réalisation ne semble suivre autre chose qu’une posture maladroite dans son sérieux et déplacée dans son premier degré. La Guerre des Mondes filmait l’invasion à hauteur d’homme, W.I.B.L.A. la filme au cœur d’une escouade perdue derrière les lignes ennemies dans la confusion et l’urgence. Mission amplement loupée si l’on considère qu’une scène à la réalisation confuse ne rend pas forcément justice à la confusion produite par une situation de combat. Le n’importe quoi intégral dans lequel s’épanche l’a peu prêt d’une mise en scène envisagée au petit bonheur la chance oblige cette grosse tanche de Liebesman à quitter son postulat en faisant régulièrement passer quelques plans d’ensemble pour essayer de redonner au spectateur une idée de la situation sur le terrain…
Qu’il foire ses scènes d’action parce que ça va trop vite et que la configuration des combats est particulièrement complexe (des types cachés derrière des voitures sur une autoroute tirent sur des robots de l’espace qui arrivent en face d’eux), on peut comprendre. La filmographie de Liebesman, s’il est clair qu’elle ne nous pousse pas à l’indulgence, nous aura au moins évité d’être surpris par la nullité de son nouveau film.
Parce qu’il faut voir ces scènes d’intérieur où des types devisent tranquillement en étant filmés par un caméraman éméché qu’on imagine facilement titubant en tentant désespérément de faire le point sur sa caméra alors qu’il n’arrive pas à cadrer quoique ce soit. Soyons sport et reconnaissons que la démarche peut paraître audacieuse, du moins sur le papier. Filmer des acteurs défoncés, on avait déjà vu ça, alors aujourd'hui, c’est le caméraman qui est sous acide et qui filme des acteurs sous prozac. C’est notre époque et j’admets qu’il n’est pas désagréable d’avoir la sensation d’être subitement défoncé à l’eau écarlate dès que deux personnages s’échangent les banalités consternantes écrites par un scénariste débutant dont on doute fortement de la pertinence de son orientation professionnelle récente et dont je tairais le nom par charité.

Influencées par l’industrie vidéoludique, FPS en tête (on a souvent l’impression de jouer à Call Of Duty quand ça lagge) les scènes de combat constituent le corps du film et se doivent, époque oblige, d’être âpres, tendues et éprouvantes. Surtout éprouvantes en fait, et elles le sont. Aucun doute à ce sujet. Elles me rappellent même ces images fugaces noyées dans le vacarme assourdissant de ces après midi de mon enfance lorsque je me tortillais sur le canapé, tentant vainement de regarder Goldorak à la télé alors que ma mère passait l’aspirateur dans le salon.

A quoi ça sert de vouloir jouer la carte du « réalisme » lorsqu’on écrit un scénario et des dialogues qui mettent en scènes des militaires aussi peu crédibles. Je veux bien que la suspension d’incrédulité et notre soif de situations héroïques poignantes nous font parfois accepter des tirades un chouia plus lyriques que ce qu’elles devraient être, mais là c’est même pas ça. Ils racontent n’importe quoi, n’importe comment et ce, n’importe quand. C’est pas un film, c’est une répétition générale où les personnages déclament des dialogues en yaourt. On n’a même pas l’impression qu’ils sont américains, on dirait qu’ils font tous semblant. Le casting fait ce qu’il peut (j’ai noté : courir parfois, crier de temps en temps et secouer leurs fusils en disant des trucs rigolos) mais la présence de Michelle Rodriguez - dont la prestation ubuesque rappelle son travail sur Avatar – finit de décourager toutes les velléités d’implication des spectateurs les plus motivés.
Au-delà du delirium tremens du cadreur et de ses enjeux rigolos, Liebesman échoue lamentablement à insuffler le moindre lyrisme à son film tout pourri, il n’a visiblement pas compris l’essence même de cette notion, ne sachant visiblement pas qu’un hélicoptère américain ne décolle ou n’atterrit que si le soleil est bas dans l’horizon… Pétri d’une incompétence à la banalité fatigante, il est encore bien loin d’avoir la classe de Roland Emmerich dans l’art subtil de tricoter avec application des films débiles à la bêtise exemplaire, et je ne parle même pas de le comparer à la démarche crypto punk de Michael Bay, le Kandinsky du blockbuster ! Mais surtout, comble du ridicule, le vilain canard W.A.B.L.I. se paie également le luxe d’ être à la remorque du pourtant très cheapos et surtout très nul Skyline. Contrairement au film de Liebesman à l’échec d’une vulgarité moins amusante que franchement embarrassante, Skyline avait au moins pour lui ce petit côté amateur rive gauche livré dans son ambiance existentielle causy dans laquelle des personnages issus de sitcoms devaient se confronter à l’irruption de monstres mécaniques avides de leur énergie. Filmé de manière détendue, le drame intimiste se télescopait à la violence d’un monde en perdition, faisant éclater le champ du loft et projetant ses protagonistes hors du cadre. C’était nul, mais au moins ça l’était honnêtement.
Les raisons de cette déroute artistique sont évidemment à mettre au crédit de prises de vues bâclées, mais également au renoncement total à servir le génie militaire que glorifiaient les influences évidentes de ce minable rejeton qu’est Los Angeles Invasion Battle World… Alors que les militaristes célèbres comme Milius prenaient toujours soin de montrer tout l’art de la guerre dans ses réussites et ses défaites, son horreur et son humanité mais surtout dans l’exaltation de ses tactiques et de ses gestes (Conan, L’adieu au Roi, La rose et le lion), le film de Liebesman présente des engagements simplistes dans une opération sans enjeu. Les marines comprennent tout, très vite, et rien n’est trop compliqué pour eux. Et s’ils parviennent systématiquement à savoir ce qu’il faut faire, c’est bien parce que tout est absolument linéaire et que les aliens se battent comme des truffes, obligés par un script complice de laisser le bâtiment le plus important de leur flotte sous la surveillance molle de quelques rushs abandonnés de Terminator 4 pour que l’armée américaine puisse avoir l’air de triompher héroïquement.
Pire, lorsqu’on aperçoit finalement les aliens je n’ai pu m’empêcher de penser que L.A. était attaqué par des Toons dans ce qui me semblait devenir une caricature absurde du film que je pensais voir. A mon avis, s’il faut maintenant que l’armée US se batte contre des pokémons pour qu’on doive la prendre au sérieux, c’est qu’on nage en pleine décadence !
Les intentions pachydermiques de l’auteur de cette merde ont beau être claires, passé le premier quart d’heure il devient cependant ridicule de prendre la posture et de jouer l’outré devant un tel étalage de conneries réactionnaires. Ce n’est évidemment pas étonnant et vous ne me trouverez pas ici à fustiger le patriotisme insoutenable et le militarisme galopant d’une oeuvre pensée comme un véhicule publicitaire de 70 millions de dollars pour le corps des Marines. Les clichés les plus éculés (le microcosme ethniquement varié et dont les préoccupations tournent toutes autour de la famille - un frère tué, un enfant qui va naitre, une femme à épouser, un père et son fils…) ne s’enfilent pas sur la structure du récit, ils sont le récit. Dans ce contexte, l’issue du combat et la rédemption du héros sont une telle évidence que seuls les pensionnaires d’un hospice spécialisé dans le traitement d’Alzheimer auront l’indulgente complicité d’y voir là le moindre enjeu.
Parce que ce qui me choque dans le film de Liebesman, c’est pas vraiment ses intentions, aussi débiles soient elles, c’est le talent déployé pour les servir. Louez votre bravoure, pignolez vous sur votre drapeau, excitez la testostérone et flattez l’instinct maternel autant que vous voulez, vos âneries trouveront toujours des clients, mais faites le avec panache que diable. A quoi bon porter au pinacle une palanquée de valeurs morbides si c’est pour les traiter par-dessus la jambe ? Après Saigon, Mogadiscio, Bagdad et Kaboul, Hollywood semble devenir le nouveau bourbier de l’armée américaine réduite à flinguer des pokemons dans un blockbuster tourné de manière aussi rigoureuse qu’un boulard gonzo ! Dans sa volonté à vouloir refaire à l’endroit ce que Starship Troopers avait fait à l’envers, le film de Liebesman convoque la gravité de l’engagement des troupes américaines dans un film qui finit sa course comme un World America Team Police sans gag.

jeudi 13 janvier 2011

HARRY BROWN


Trainant sa réputation de vigilante movie très classique, Harry Brown (un nom stupéfiant pour un type qui fait cracher la poudre pour fumer du junkie) ne surprendra pas grand monde par son histoire totalement stéréotypée se déroulant sur les rails bien droits d’un des genres les plus vilipendés. Limpides mais aussi totalement prévisibles, les différents éléments de l’intrigue sont mis en place d’une manière efficace grâce à une structure solide. Portées par un score efficace, certaines scènes bénéficient de cadrages élégants et d’une interprétation tout en retenue offerte par un casting réussi dominé par un Michael Caine à la filmographie récente plutôt inégale (les calamiteux remakes de The Weather Man et du Limier, Les fils de l’Homme, les deux Batman, le pénible Inception) qui offre ici une prestation d’une agréable sobriété.
Cette première partie, qui se laisse suivre avec un réel plaisir, décrit donc le crépuscule d’un vieil homme fatigué qui vient de perdre sa femme et dont le seul ami qui lui reste nous fait part de son tourment et des humiliations qu’une bande de jeunes voyous à capuches lui infligent. Ces jeunes « hoodies » sont d’abord présentés du point de vue d’Harry Brown, souvent de sa fenêtre, comme une sorte de menace tout aussi lointaine que proche. S’il elle est d’abord vue comme sans visage et agressive, elle n’en demeure pas moins l’engeance du quartier déshérité qui l’a vu vivre et vieillir. Dans ce premier acte David Barber nous offre une poignée de scènes admirables... Comme par exemple ce travelling arrière dans un vestibule que la fumée envahit peu à peu, une scène muette, lente, suspendue, où la trivialité d’une mauvaise farce puérile laisse peu à peu la place à un ressentiment profondément tragique. Il y a aussi cette scène d’interrogatoire où se succèdent les jeunes meurtriers face à deux policiers dépassés d’une justesse saisissante, faisant éclater un clivage irrémédiable grâce à un montage alterné inspiré. Et puis il y a cette scène captivante où la jeune fliquette idéaliste cherche à déstabiliser le vieil homme bourru et qui tourne à l’avantage de ce dernier lors d’un exposé sur les échecs offrant au spectateur une astucieuse mise en abyme.
Hélas. Hélas, hélas… Toute la finesse de cette mise en place patiemment tricotée sera scrupuleusement piétinée lorsque le film et son protagoniste basculeront dans le vif du sujet. Suite à l’assassinat de l’ami d’Harry, on nous refourgue l’inévitable scène du personnage hanté par un douloureux passé qui le rattrape et qui va se décider à l’affronter. Là, seul sur son lit, il ouvre la vieille boite qui appartenait à l’homme qu’il était autrefois, celle remplie de souvenirs de l’armée… Là, sous la sempiternelle lettre de la petite fille disant à son papa qu’elle l’aime, Harry retrouve son couteau et dans le même temps le réalisateur perd lui toutes ses capacités. A partir de ce moment tout ce qui était finesse et élégance se transforme en une sorte de caricature balourde dont le sérieux de chaque instant pousse le film dans un grotesque absurde pour finir par patauger dans une sordide mélasse de connerie satisfaite.

Lorsqu’Harry décide de demander des comptes à la racaille, ce qui n’était alors qu’à peine esquissé s’incarne subitement dans un manichéisme absolu qui n’aura qu’un point de vue à sens unique à offrir, un point de vue simpliste et finalement très confortable sous l’apparence trompeuse d’un radicalisme rebelle et à contre courant. La description réaliste d’un quartier qui se meurt laisse place à un univers fantasmatique morbide totalement surréaliste et presqu’hors sujet.
La scène du dealer de flingues plonge enfin le spectateur dans le monde de la menace et offre un condensé de toute l’abjection humaine dans ce qu’elle a de plus dépravée : un salaud squelettique à l’apparence monstrueuse se regarde violer une junkie inconsciente sur une gigantesque et dispendieuse télé 16/9ème tout en s’offrant un shoot d’héro lors d’un deal ayant lieu dans un squat immonde dans lequel pousse une véritable forêt de weed. Ce qui est gênant, ce n’est pas forcément qu’un film parti comme une chronique très premier degré vire d’un coup au film d’horreur grand guignolesque, ce qui est gênant c’est surtout que par ce biais on ne cherche plus à nous faire comprendre quoique ce soit, on nous impose d’être aux côtés d’Harry et d’approuver ce qu’il fait. Harry ne se bat pas contre des hommes, bons ou mauvais, il se bat contre des monstres et, bien sûr, impossible d’avoir la moindre compassion pour des personnages présentés comme des animaux. Ces brutes droguées, ultraviolentes sont aussi et surtout irrécupérables comme l’expose clairement le réalisateur aux détours de deux dialogues : Le père du dealer est un caid, il suivra le même chemin et s’il a un gamin il en sera de même. Ces propos fatalistes tenus à la fois par le dealer et par un flic entérinent ce qu’on impose au spectateur, à savoir l’évidence de la justesse du combat d’Harry.
En passant on peut également remarquer que le seul dealer à être présenté avec de sérieuses fêlures (viols répétés de la part d’un des boss du trafic) sera abattu par ses potes après avoir été torturé par Brown. La sauvagerie des méchants est telle qu’au-delà de s’en prendre aux autres, ils n’hésitent pas à s’auto phagocyter. Dans le dispositif du film, ce point est loin d’être un hasard car là encore la tuerie perpétuée par Brown est vidé de sa substance et on peut tout à fait se demander si ses balles ne seraient tout simplement pas le catalyseur d’une issue à la fatalité évidente, incarnant par sa tranquillité et par son savoir faire toute la noblesse du devoir que la police ne sait ou ne peut s’occuper,

Harry Brown a servit dans l’armée et en est sorti bardé de médailles, après avoir sauvé une innocente junkie, il va donner l’argent volé au gang à l’église. Toutes ces valeurs traditionnelles, et bien sûr un entrainement en bonne et due forme hérité des marines, nous assurent qu’il saura être juste dans une croisade résolument nécessaire. Jamais, jusqu’au dénouement, il ne sortira du droit chemin de la mission qu’il s’est fixé et qu’il mènera à bien avec calme et détermination.

A l’orée du dernier acte, le film a déjà sombré, comme Harry, submergé par son propos misérable et plombé par une mise en scène ayant renié toutes les promesses de sa superbe introduction. La descente aux enfers, véritable pilier du film de vigilante s’applique ici au spectateur qui subira un dernier acte quasiment abstrait où il pourra s’amuser de constater que les notions les plus élémentaires de crédibilité sont foulées du pied avec un sérieux affligeant. La scène d’émeute qui ouvre ce dernier acte peine à impressionner le spectateur tellement elle est mal fichue. Les plans répétitifs, le manque flagrant de figurants policiers et la configuration aléatoire de l’ensemble condamnent une scène probablement voulue comme dantesque. De cette scène ratée, le spectateur est alors trimbalé vers un règlement de compte final sabordé par le manque d’implication évident causé par autant d’aberrations.

Au final, il aura suffit de distribuer une poignée de bastos dans quelques têtes pour que tout puisse rentrer dans l’Ordre. Le quartier n’était pourri que par la présence de quelques pommes gâtées, celles-ci chassées hors du panier la tarte promet d’être délicieuse. Tout le monde pourra en prendre une part et on oubliera les conditions de vie dégueulasses, le chômage et la paupérisation qui ont lessivé les couches populaires. Il s’agit simplement de ne pas oublier que les dealers pédophiles qui trafiquent des armes et des filles peuvent être sous votre nez sans que vous le sachiez. Pensez au barman de Harry…
La conclusion de ce film branlant est aussi douce qu’un contrôle de la BAC, aussi subtile comme du Charles Villeneuve. Harry est devenu une sorte de héros anonyme et jamais il ne s’agira de questionner le crime et son châtiment, la violence de l’un et celle de l’autre, pas plus qu’il n’y aura de réflexion sur les notions de vengeance ou de vigilantisme, ce film ne pose pas et ne se pose pas de questions, ni sur la drogue, ni sur la violence, ni sur la pauvreté, il affirme. Il impose le bien fondé d’une justice personnelle radicale par les moyens moralement douteux et narrativement paresseux du manichéisme et de la caricature. La complicité passive de la fliquette qui finit par approuver la démarche de Brown pose pourtant une question sur le film, finalement, peut on vraiment parler de meurtre lorsqu’on a enlevé toute humanité sur celui sur qu’on tire ?

Tout au long du film, Harry passe devant un tunnel qu’il choisit d’éviter, le dernier plan du film nous montre qu’il finit par le prendre, d’un air un peu mutin, satisfait, car Harry Brown ne s'est pas vengé qu'en son nom, à travers lui c'est la communauté silencieuse toute entière, toutes les veuves et tous les orphelins qui se sont vengés comme l'atteste l’un des derniers plan édifiant dévoilant une cité ensoleillée enfin pacifiée et où flânent de nouveau les mamans et leurs poussettes devant le spectacle joyeux de petits enfants qui s’ébrouent dans la bonne humeur. Et tant pis si c’est légèrement contradictoire avec les images précédentes où les rues étaient à feu et à sang sous le joug de dizaines d’incontrôlés.
Alors je veux bien qu’on ne prenne le film pour un divertissement couillu, pour un western moderne ou pour je ne sais pas quoi d’autre. Au-delà même de toutes considérations politiques ou morales, c’est d’une telle naïveté visuelle et d’une telle connerie qu’on en vient à rêver d’aller se balader de plateaux en salles de production, une arme à la main, semer du plomb pour que demain nos enfants et nos mamans ne se fassent plus insulter par de pareilles merdes et que le bonheur refleurisse dans le cœur des spectateurs. Et qu’il arrête aussi de pleuvoir quand on fait la queue…

Pire que le déjà bien crétin Death Sentence qui avait au moins la décence de se prendre un peu moins au sérieux, Harry Brown nous aura d’abord montré le meilleur pour nous offrir le pire, Harry Brown est un film d’action raté, une chronique sociale demeurée et un vigilante movie des plus simpliste qui n’aura jamais réussi à aller au-delà du cliché que n’importe qui peut se faire du genre.
Mais rassurez vous, on ne peut pas objectivement taxer le film de fasciste, le fascisme est une chose bien trop sérieuse et Harry Brown est bien trop ridicule pour se voir accoler une telle épithète.

Film de merde.

PS : Pour en savoir plus sur ce genre compliqué, trouble et typiquement américain, vous pouvez toujours vous reporter sur l’excellent, quoique trop court, livre du passionnant Fathi Beddiar « Tolérance Zéro, la justice expéditive au cinéma » aux éditions Bazaar.

lundi 10 janvier 2011

BADGES !

Je sais, je mets pas trop à jour ces derniers temps, mais je suis toujours là. C'est juste que je suis en train de bosser sur pas mal d'autres trucs... Alors pour vous faire patienter, quelques colifichets à l'effigie du blog... Allez voir chez Cha, c'est elle qui vend ça !
Je reviens très vite ! (cliquez sur l'image)

lundi 6 décembre 2010

SCOTT PILGRIM VS THE WORLD


Avant de voir ce Scott Pilgrim, j’étais confiant ; le britannique Edgar Wright avait réussi avec son premier film, Shaun of the dead, à tourner une histoire d’amour qui réussit à réconcilier les amateurs de romance et les fans de zombies. Ces derniers redécouvraient les joies d’une comédie romantique légère dont la réussite prouvait également aux autres que le mythe du zombie était désormais définitivement sorti des carcans de la sous culture, et pouvait s’imposer à tous, en toutes situations.
Même si son second film, Hot Fuzz, connaissait quelques problèmes de rythme, Wright signait néanmoins là un second métrage éblouissant dont la mise en scène et l’interprétation étaient à l’unisson d’un scénario rocambolesque ponctué de savoureux dialogues absurdes. Une nouvelle réussite.

L’inverse total de ce Scott Pèlerin… ce qui pourrait nous interroger sur la viabilité des adaptations de comic célèbres sur le grand écran…
Le tout naze Kick Ass avait déjà crucifié le trop discret Defendor, prouvant par là qu’un film avec une histoire de merde, mal racontée, aux mécanismes narratifs éventés et définitivement poutré par une mise en scène ridicule pouvait s’imposer comme un film moderne, censé refléter la culture « geek ». Une culture à la con, défendue bec et ongle par des troupeaux d’imposteurs qui pensent fièrement incarner une sorte d’élite culturelle qui pourtant ne repose ni plus ni moins sur la consommation de masse. La descendance triomphante de cette guilde secrète qui défendit des films obscurs comme La Guerre des Etoiles et pesta contre le départ de Grokouik vénère aujourd’hui des œuvres aussi pointues que Spiderman 2, la trilogie du Seigneur des Anneaux ou n’importe quel film qui se dandine sur des millions de dollars. Ils jouent depuis 20 ans à des jeux videos aujourd’hui vendus à des millions et des millions d’exemplaires tout en se tripotant doucement dans les vapeurs d’une espèce de doux rêve collectif leur susurrant à l’oreille qu’ils ne sont pas comme les autres car ils sont différents et qu’ils ne sont pas de ce monde car ils sont asociaux. Bref, ils se pressent par millions dans les travées des multiplexes ou dans les rayons JV de Carrefour persuadés d’être sortis du troupeau.
Scott Pilgrim, comme Kick Ass ou Cyprien, montre la revanche de cette image de pauvre têtard boutonneux qui puisera son pouvoir dans les mondes alternatifs dont il possède les clés (il parle klingon ou sait jouer la ligne de basse d’un thème de Final Fantasy par exemple) pour accomplir une quête qui se limitera toujours à enfiler la bonasse du lycée. Les geeks d’aujourd’hui sont devenus leurs propres héros, délaissant les héros charismatiques aux pouvoirs improbables sur lesquels ils fantasmaient avant, dans la création d’un monde nostalgique idéal en se faisant caresser dans le sens du poil par la régurgitation jouissive d’une culture qu’ils aiment à penser comme alternative.

L’univers geek de Scott se résume donc à celui de jeunes blancs becs banlieusards qui écoutent du rock californien, has been depuis 15 ans et jouent à des jeux videos old school en salle d’arcade. Tout, ici, semble être affaire de nostalgie. L’histoire d’un inadapté social qui va tomber amoureux de la jeune fille mystérieuse et branchée (pauvre Mary Elizabeth Winstead) dont la coolitude réside dans un accoutrement (lunettes, rollers, mèches colorées, il manque que le walkman) qui devait dépoter dans les cours de récré, en 1988. L'histoire d'amour sera parsemée d’embûches, des confrontations avec les 7 ex diaboliques qui représentent tous un côté de la coolitude (qui parodie les icones célébrées par nos petites soeurs) que n'a pas notre héros, mais dont la vaillance du cœur alliée à une pratique intensive de la console viendra à bout. Au final, le jeune débile pécho la meuf, sous l'œil entendu de la rivale qui, elle aussi, aura appris à ouvrir son cœur.
C’est ni plus ni moins que la culture branleuse de trentenaires nombrilistes qui se sublime par une affolante incarnation juvénile tout en évoluant dans un univers aseptisé à la Amélie Poulain, où tout est propre et rose, sans culs de joints dans les cendars et sans palette de graffen dans l’entrée.

Et puis c’est surtout difficile de voir en Scott Pilgrim autre chose qu’un reliftage « geek » d’histoires romantiques cul-cul la praline jadis réservées aux fans de Hartley Cœur à Vif. Un upgrade pour les jeunes connards qui cherchent à tous prix à défendre n’importe quelle merde pour avoir, eux aussi, leur Star Wars ou leur SDA, espérant faire partie de l’Histoire, à l’instar de nos ancêtres toujours prompts à verser dans la mélancolie va t’en guerre.

Un tel ramassis de connerie pourrait passer si on avait eu un scénario assez malin pour prendre un peu de recul, y mettre du second degré ou raconter quelque chose, du moins quelque chose de plus intéressant qu’inscrire « dring » sur l’image lorsque le téléphone sonne. Raconter une histoire avec un enjeu narratif qui serait servi par des personnages qui ne seraient pas totalement unidimensionnel et aussi caricaturaux. Tout ça aiderait le spectateur à ne pas se faire autant chier, surtout si dans le même mouvement les dialogues étaient drôles et que les acteurs ne semblaient pas se demander ce qu’ils foutent là chaque fois qu’ils sont à l’écran sans avoir de réplique à donner…

Scott Pilgrim vs the world est loin d’être un bon film, c’est un film chiant, répétitif et idiot, n’ayant rien à proposer au-delà de l’invitation faite aux spectateurs trentenaires à fantasmer sur des adolescentes dans un édifiant sentiment d’autosatisfaction les persuadant au final qu’avoir passé les 15 dernières années de leur vie à jouer sur une console pourra finalement leur être utile à lever une gamine…

et c'est juste écœurant...

vendredi 24 septembre 2010

THE EXPENDABLES


Depuis plus d’un an, la rumeur enflait sur le web : Sylvester Stallone préparait un film au casting démentiel pour rendre hommage aux actioners bourrins des années 80. Un film de commando porté par les plus illustres représentant des films de frappe… Mais pas grand monde s’est demandé vers quoi Stallone allait se tourner pour nourrir son film. Parce que la décennie reaganienne a accouché parfois du meilleur, Rambo, Predator, Die Hard, mais souvent du pire, Commando, Cobra et tant d’autres bouses torchées par les faiseurs de la Cannon. Et je dis ça sans prendre en compte le contenu idéologique totalement décomplexé (douteux) de ces films célébrant le héros «reaganien», bodybuildé, réglant chaque conflit par une utilisation brutale de la force.
Alors de deux choses l’une, soit Stallone décidait de nous en offrir une bonne vieille tranche à l’ancienne, en réinvestissant les codes un peu surannés de l’époque, soit il décidait de faire un film qui mettrait en perspective ces mêmes codes à l’apogée de sa maturité, en reproduisant sur le film d’action ce qu’il avait accompli avec la conclusion de ses deux sagas fétiches.
Les deux points de vue étaient séduisants, mais une fois de plus la déception est à la hauteur des attentes. The Expendables est loin d’être une bonne vieille tranche de bonne brutalité à l’ancienne, et c’est encore plus triste à dire, Stallone n’a strictement rien à raconter sur le genre qui l’avait amené au top, il y a plus de 20 ans.

Soyons sérieux, personne n’attendait un film qui se mesure aux chefs d’œuvre de l’époque, Stallone n’est pas Mc Tiernan et même si John Rambo a fait son petit effet par sa mise en scène classe et compréhensible, c’est surtout parce que les standards actuels sont passablement brouillons et illisibles. Tout le monde espérait plutôt un «bon trip régressif» dans la veine des films bien fachos dont les posters ont fait rayonner les murs de nos chambres enfantines, affichant par une démonstration de testostérone que nous nous préparions a affronter notre puberté, une abstraction étrange que nous projetions inconsciemment sur ces communistes qu’il fallait arroser d’une puissance de feu virile et sans pitié. C’était les années 80, c’était complètement con, mais nous étions si jeunes. 1989, le mur s’effondra et les stars du cinéma d’action s’étiolèrent peu à peu. L’ennemi éternel, jadis si identifiable, laissa vite place à un conglomérat fumeux de menaces diverses. Ce fut la mode au début des années 90 des ex-rouges reconverti dans la mafia (Double Détente) et des cartels de la drogue (Danger Immédiat). On alla même jusqu’à refiler le flambeau à de vieux terroristes qui sans doute n’en demandaient pas tant (l’IRA dans Jeux de Guerre), tout ça, bien sûr, sans retrouver le succès d’avant. Suite à cette période de restructuration, la menace bénéficia du développement des effets spéciaux numériques : météorites, noyau de la terre en fusion, extra terrestres ou Godzilla, le souffle d’une vengeance quasi divine s’abattit alors sur les Etats-Unis, avant qu’une flopée de nouveaux héros ne vienne sauver tout le monde. Ils avaient délaissé l’air buriné et la tenue de commando pour le costume en latex et le masque, sauvant le monde sans recourir à la brutalité beauf des Rambo, Matrix et autre Braddock. Le chant du M-16 ne subsiste plus que dans une poignée de DVD tournés à la va vite en Bulgarie et portés par des stars vieillissantes qu’une poignée de nostalgiques continue à soutenir.

La première déconvenue c’est que la mise en scène du film n’a rien à voir avec ses aînés. Stallone aurait pu chier son film mais avoir le goût de nous pondre une daube toute kitch et démodée, ce qui aurait au moins respecté le cahier des charges. Malheureusement, aussi ratée soit elle, cette réalisation rassemble tout ce qui se fait de pire en ce moment. On aurait pardonné la nullité si elle avait été gentiment vintage mais comment voulez vous tolérer pour un projet pareil l’affligeante nullité de notre époque ?
Au-delà des inutiles scènes de papotages, filmées sans aucune inspiration, toutes les scènes de bagarre sont présentées dans un montage épileptique. On est même en droit de se demander si Stallone n’est pas passé par Nantes vu ce recours obsessionnel au gros plan parce que dans l’euphorie la moitié de ce qui devait être shooté semble avoir été tout bonnement oublié. Un petit peu comme s’il manquait des plans pour donner aux bastons l’amplitude nécessaire.
L’aspect brouillon de l’ensemble trahi visiblement un gros problème de production, et je m’en fous que ce soit un manque de moyen ou de préparation parce que le résultat est proprement consternant. The Expendables est un film bâclé, tourné à l’arrache par un réalisateur manifestement plus intéressé à discuter anabolisant avec ses copains qu’à bosser avec son directeur de la photo ou son cadreur…
Truffé d’une foultitude de plans truqués affreux, The Expendables ressemble souvent à un workprint ripé sur la mule. Et pour un film se voulant un hommage sincère à la brutalité frontale du cinéma reaganien, comment accepter de voir le résultat massacré (oui dans le film, le seul vrai massacre, c’est le résultat) par autant d’incrustations numériques désuètes et hasardeuses… J’ai même été envahi par la profonde nostalgie des maquettes en cartons et des miradors en allumettes lorsque j’ai vu l’effondrement du palais, mais peut être les plus indulgents d’entre nous y verront ici un clin d'œil émouvant aux images de synthèses des années 80, qui sait ?

Là où John Rambo séduisait par sa lisibilité rigoureuse, The Expendables ne fait aucun effort. La gestion de l’espace est si ridicule que d’essayer de suivre ce qui se passe à l’écran devient une expérience absurde et irrationnelle. Alors que Michael Bay approfondit depuis quelques années le travail de Kandinsky pour orienter ses scènes vers l’abstraction pure et ainsi poser un regard artistique novateur sur l’idée même d’action et de sa représentation moderne, Stallone n’arrive pas à enchainer trois pauvres plans. Un exemple frappant, la poursuite en voiture (oui ici il n’y a que les exemples qui soient frappant), à quel niveau de nullité faut il tomber pour torcher ainsi une course poursuite toute simple sans que le spectateur ne comprenne rien de ce qui se passe ?! Comment captiver un spectateur qui ne sait pas combien de voitures sont engagées et qui ne pige rien à la résolution de la scène ?
«L’incompétence est un océan sans limite sur lequel dérive le navire de ton ambition» avait coutume de me dire mon assistante sociale, et c’est surement sur cette mer de merde que navigue notre sylvestre Titanic. Bordel, il faut vraiment en avoir rien à foutre de rien pour torcher un climax final aussi nul en pensant qu’une succession d’explosions numériques douteuses fera l’affaire. Quel manque de respect pour les inconscients qui se sont assis une heure et demie devant un écran pour se faire assommer par tant de nullité (oui au final il n’y a que la nullité qui assomme quoique ce soit dans ce machin). On ne peut pas en dire autant de la scène d’infiltration qui précède, pour cette dernière ils ont carrément eu recours, sans vergogne, à l’art subtil et délicat de l’ellipse. Une scène probablement victime d’un montage raté mais étudié comme un futur argument de vente pour un déjà annoncé director’s cut…

La démarche a beau être détestable, elle est loin de faire tâche sur cet étron roublard flottant dans la cuvette de nos espoirs.

-Sans ce truc en kevlar tes organes seraient déjà en purée
-Cause toujours tu m’intéresses
-T’as de la chance mon vieux
-Nan crois moi c’est toi
-Non c’est toi mon vieux

Malgré les apparences, ce dialogue n’est pas issu de La Classe Américaine mais de The Expendables. Je ne plaisante pas, a contrario visiblement du scénariste Dave Callaham, déjà responsable de l’écriture de trois pauvres navets dont le très littéraire Doom.
Aussi comment oublier cette scène où Stallone, étranglé, tout rouge et tout gonflé, est interrogé par le gros méchant qui fait peur ? Car à la question «t’as combien d’hommes avec toi ?» la réponse truculente fera sans nul doute un carton dans les cours d’école et chez les débiles légers : «juste ta mère».
Vous vous rendez compte que la réplique ultime de ce film badass radical partage le même humour qu’Arthur ? Que ses punchlines semblent avoir été écrite par le type qui écrit ses sketchs ?! C’est déjà assez spécial comme sentiment, mais lorsque le gros rasé éructe un sévère «qui t’a envoyé ?» et qu’on lui répond «ton coiffeur !», le spectateur déjà consterné se sent d’un coup propulsé loin, très loin, dans un pays où ne règne que la honte et la contrition. Voyez vous, ce spectateur s’attendait à un trip nostalgique sur son adolescence, vous savez cette époque bénie où, bouffé par l’acné, il rêvait de faire du kung fu et d’avoir un gros uzi… mais nom de Zeus Stallone l’a renvoyé un peu trop loin dans sa régression, directe en CE1 ! Soyons honnête, se pencher sur les dialogues de The Expendables, c’est surtout un prétexte à des moqueries et des quolibets qu’on pensait réservés aux films d’Elie Semoun.

Si l’intrigue est plus famélique qu’un bourguignon végétarien, c’est surtout à cause de la déconnexion totale d’une histoire principale, tenant en trois séquences pouilleuses, de toutes les autres scènes, pensées comme de simples annexes. La trahison de Dolph Lundgren ou les embrouilles conjugales de Jason Statham ne servent qu’à faire patienter le spectateur vers le prochain « morceau de bravoure » et ressemblent à des scènes coupées d’un montage trop généreux. De même la plainte de Rourke et le cabotinage de Roberts semblent totalement hors sujet, même si tout ça est censé servir pour l’un de catalyseur à la revanche et l’autre à la caractérisation de l’ennemi. Ainsi la construction du film ne repose que sur une succession de sketchs sans véritable lien entre eux, une compilation où chaque morceau donne envie d’avancer à la plage suivante.

Si les scènes d’action sont sacrifiées par la mise en scène, pire encore, le scénario s’occupe lui de régler son compte aux personnages. Pire parce que c’est sur cette promesse, cette affiche, que le film a été vendu. Un casting de rêve, une accumulation de noms pour faire fantasmer le fan crédule. Une fois de plus, cruelle est la déception et pendant la projection on ne peut que flairer l’haleine fétide de l’entourloupe faisandé.

Egocentrique, Stallone a écrit le film pour lui, alors qu’il n’a même pas la décence d’avoir quelque chose à raconter sur son personnage, mis à part une bluette glauque entre une jeune fille et un baroudeur de 60 balais bien sonnés qui a passé sa vie à massacrer celle des autres. Rocky revenait sur le lieu de sa jeunesse et Rambo acceptait que le monde autour de lui n’était pas une excuse à sa soif de violence, tout ça avait un sens. Ici, il faut comprendre que ce soit disant « esprit vintage assumé » est surtout une excuse minable pour n’avoir rien à proposer, bien qu’il rate sans surprise tout ce qu’il tente.

L’idée même du film de commando c’est l’idée d’un film choral, ou l’on suit des personnages interagir entre eux pour que l’on éprouve de l’empathie lorsque survient le moment de leur sacrifice. Ici, au-delà de leur sous exploitation, ils n’existent qu’au travers de leur relation à Stallone.
Il est paternaliste avec Statham, qui endosse le rôle du fils prodigue, Stallone consentira même à ce qu’ils tuent le méchant ensemble et lui offrira deux scènes tout seul.
Jet Li, c’est le side-kick rigolo. Généralement on a plutôt un Noir qui fait des blagues mais vu qu’Eddie Murphy devait demander trop cher, on se rabat sur un chinois. On l’appelle Yin-yang (j’ose même pas imaginer si ça avait été un Noir, on aurait eu droit à quoi ? Bamboula ? Blanche Neige ?) et on rigole durant tout le film sur sa petite taille (imaginez les bonnes blagues avec un Noir…).
Lundgren, c’est le frère ennemi qui sera puni parce qu’il défie la puissance du héros. Il lui sera ensuite pardonné après avoir courbé l’échine. Il n’a qu’une scène de bagarre, mais il repasse claquer la bise à la fin, une preuve de la générosité du film doit bêler la garde rapprochée de Sly.
Mickey Rourke revient encore une fois nous sortir son numéro de pénitent et sa gueule de freaks. C’est lui qui réveillera la conscience de Stallone grâce à une anecdote d’une indigence carabinée où il est question de méchants serbes et d’âme perdue présentée comme le grand moment déchirant du film. Assurément le pire moment de nanardisme de ces dernières années. Faut vraiment douter de rien pour pondre un truc pareil et les fans qui sont prêt à gober n’importe quelle mièvrerie dès qu’elle est anônée par un type ravagé bégayant pathétiquement sa rédemption dans des navets de ce genre auront du mal à s’en remettre lorsque leur gaule sera redescendue et qu’ils reverront le film. Applaudir la prestation de Rourke est probablement le spectacle le plus sordide que j’ai du subit depuis l’agonie de la pauvre Omayra.
Passons sur le caméo de Willis et Schwarzy, la scène est tellement bien rythmée et mise en scène qu’on dirait qu’ils n’ont jamais été présents en même temps sur le plateau. C’était sympa, mais juste dans la bande annonce…
Pour finir le tour du casting n’oublions pas Eric Roberts. Il connaît son job et ça, on ne peut pas lui reprocher, vu qu’il joue indéfiniment le même rôle de film en film, roulage des yeux et rictus compris…

Pour le reste du casting de ouf, je ne sais pas vous, mais n’étant pas un spécialiste des bouses virilistes destinées au solderies et ne regardant pas les matchs de sports où ça se tripote à coup de patates dans la gueule, je n’étais pas très au fait des carrières de Terry Crews (Fausse Blonde Infiltrées), Steve Austin (Mi temps au mitard), Randy Couture (Le Roi Scorpion 2) et Gary Daniels (Bloodfist 4). Un casting légendaire donc. Pour nous faire croire qu’ils existent et qu’ils méritent plus qu’un cachet de figurant chacun a sa blague de beauf, le Noir a un gros canon et des grosses balles, le catcheur à une oreille en chou fleur, le méchant est chauve…

On est décidément bien loin de ces films où le succès tenait, en partie, à la caractérisation précise des membres du commando. Ces moments qui font que des films comme Predator ou Extreme Prejudice fonctionnent. The Expendables a beau tenter de nous refaire le coup du «tu te souviens de… (mettre ici le nom d’un pays exotique quelconque comme l’Iran, le Venezuela ou le Nigeria)», «ah oué, c’était un merdier sans nom, on pensait qu’on s’en sortirait jamais», la sauce ne prend pas. Ils nous auraient monté une bonne mayonnaise qu’on aurait eu la frite, mais face au film de Stallone, il n’y a que le vinaigre de mon amertume qui peut me faire avaler toutes ces salades.

Les trips régressifs n’appartiennent donc pas qu’aux crétins qui savent pas boire s’éclatant le samedi soir avec leurs collègues de boulot devant des karaokés de la banlieue ouest en vomissant des génériques de dessins animés. Le trip régressif frappe visiblement tout autant les geeks autoproclamés qui se reluquaient les poils qui leur poussaient à la quéquette lorsque sortaient ces films que célèbre aujourd’hui la nostalgie…
The Expendables surfe sur cette régression d’une manière totalement artificielle et par son évidente modernité technique (shaky cam, montage cut et CGI foireux) on peut se demander s’il y a vraiment une différence entre ça et le spectacle essoufflé de licences 80’s aujourd’hui exploitées jusqu’à l’os. On peut refuser l’évidence mais The Expendables respire la vraie bonne nullité des années 2000.

Le cinéma d’action américain bien facho méritait peut être un hommage, mais le résultat est loin d’être à la hauteur. On aurait aimé voir les hommes de Barney Ross aller délivrer des mercenaires américains captifs en Irak, aller dessouder du terroriste iranien, traquer Ben Laden au Pakistan ou même défendre leur pays contre une invasion de la Corée du Nord.
Non, ils vont affronter un général en carton ondulé sur une île en image de synthèse. Il a beau être complètement stéroïdé, c’est pas le courage qui l’étouffe Sly. Ce politiquement correct pousse même Ross à condamner l’attitude de Gunnar qui veut pendre un pirate, alors qu’ils viennent tous de buter une vingtaine de Somaliens en se foutant de leur gueule…

Les trentenaires d’aujourd’hui avaient 10 ans lorsque Commando est sorti. J’ai de la peine à imaginer le tableau lorsque les tétards qui ont aujourd’hui 10 ans fantasmeront les films de leur enfance pour les faire revivre. Quand j’aurai 60 ans, Crank 2 ou Taxi 4 seront considérés comme des chefs d’œuvre, célébrés par des critiques fustigeant l’élitisme de notre époque. C’était déjà nul hier et demain ça sera encore pire, ce blog est le témoignage de ma lassitude.

jeudi 23 septembre 2010

AVATAR EDITION SPECIALE


La vague est passée. La révolution© Avatar a fini par s’abîmer dans toutes les galeries commerciales sous forme d’étals à perte de vue et de PLV autoritaires et dominantes. Mais déjà la marée reflue et, en ce mois de Septembre 2010, Avatar est de nouveau exploité en salle pour proposer un montage inédit serti de neuf nouvelles minutes.

Il est amusant de constater que ceux qui nous chantaient les louanges du film de cette insupportable tête de con égocentrique de Cameron, en célébrant son unique et totale perfection, sont les mêmes qui viennent nous ressortir leur flutiaux pour nous bassiner d’une nouvelle sérénade sanctifiant cette version allongée. Amélioré, le rythme ; harmonisé, le montage ; sublimé, le mixage, le film avait beau être parfait, subtil jus des Dieux dont la narration concentrait en son cœur l’ensemble des mythes de l’Humanité (en quelques mots ta maman elle est gentille et ton papa il est méchant), le voila dorénavant drapé d’une nouvelle Grâce, à tel point que certains se demandent si la pellicule ou les galettes transportant l’Œuvre ne devraient pas être considérés comme bénis.
Quand on pense que les médias officiels ont relayé le soixante dixième anniversaire de la découverte de la grotte de Lascaux et qu’il n’y a eu que quelques commentaires désabusés sur la scène de chasse à la vache pandorienne découverte dans le nouveau montage, il est évident, même pour nous au blog des films de merde, qu’il y a là un mépris évident qui suinte de l’ostracisme cynique qu’éprouve nos élites, nos dirigeants ainsi que l’ensemble des critiques…

Heureusement, ont fleuris cet été quelques articles amusant d’exégètes zélés tentant par tous les moyens de s’auto convaincre de l’importance historique du film. Présentant bien souvent comme fines analyses de vulgaires paraphrases toutes molles, ils reviennent sans cesse sur les raisons de ce succès. Car cette douzaine d’élus de leurs postes de vigie, du haut de leurs blogs, de fin fond de leurs colonnes ou de leurs forums, ont su voir la vérité au-delà du pessimisme blasé et unilatéral d'une promotion bâclée.

Depuis, ces pèlerins foulent chaque recoin de l’internet pour répandre la bonne parole. Les pénitents se sont fait prêtres et leurs blogs, colonnes et forums sont devenus des églises. Le blogueur Rafik Djoumi est devenu chroniqueur régulier au site d'Arrêt Sur Image, le webzine DVDvision tente d’exister en surfant sur le succès du film en y collant de si prêt que leur site internet semble n’être qu’un misérable objet promotionnel de la Fox, le journaliste Arnaud Bordas, transfuge ex Mad Movies ayant intégré les rangs du Figaro, a connu son heure de gloire en pourfendant le dragon téléramesque lors d’un débat télévisé aussi trépidant qu'un mauvais Lelouch.

A l’instar de ces désespérés qui reconnaissent en Avatar la cristallisation de tous leurs fantasmes cinématographiques et qui deviennent tour à tour les marchands du temple cameronien, le blog des films de merde réclame lui aussi sa part du gâteau. Nous aussi on a capté que la licence était porteuse et c’est pétri de la même vanité que nous revenons sur Avatar car visiblement les chefs d’œuvre de notre époque ont besoin de se faire remonter tous les six mois pour continuer à exister. Il n’est donc pas exclu qu’on revienne participer, nous aussi, à l’hégémonie culturelle du vilain petit canard de la Fox...

vendredi 11 juin 2010

INFECTES


Après le nullissime Rec2 et avant le tout pourri The Crazies, Infectés est finalement sorti en salles en France, et vu son score à l’international, c’était pas gagné ! Alors c’est sûr qu’après s’être tapé autant de fours, on n’est pas vraiment surpris que le film des frères Pastor colle un peu au fond et qu’il ait un tel goût de réchauffé.
Infectés c’est la passionnante histoire de deux frangins et de leurs copines en route vers l’océan alors que l’humanité est aux abois, terrassée par un virus. Cette insipide daubasse insignifiante tente bien sûr de surfer sur la mode initiée par 28 jours plus tard. En son temps, le film de Danny Boyle réussît l’exploit de créer un sous-genre aux films de zombies qui évoluent désormais sous son influence, se payant ainsi une nouvelle jeunesse. Las, à l’instar des films de zombies qui à force de répéter le même schéma narratif et d’accumuler les bouses ont lassé leur public et montré leurs innombrables limites, les films d’infections se succèdent et s’enfoncent inexorablement dans une médiocrité toujours plus crasse… Il suffit de voir l’affiche française d’Infectés et celle de The Crazies pour mesurer l’ampleur de ce que ce cinéma incestueux à a nous proposer.
Les frères Pastor sont allé au cinéma et ont des dvds, ils nous offrent donc tous les éléments de départ que le genre requiert, à savoir un monde à l’abandon, quatre survivants et une intrigue troussée comme une liste de supermarché :
-un père et sa fille contaminée,
-un fuyard qui se fait abattre par des rednecks,
-un docteur qui sombre dans la démence mais continue ses expériences,
-un bâtiment habité par un groupe armé et organisé,
-une infection au sein du groupe et l’éviction d’un de ses membres (deux fois)
-et bien sûr l’incontournable retour (réel ou fantasmé) au foyer familial.
En gros toutes les péripéties traditionnelles, ici enfilées comme des bulgares à peine majeures dans un pornif californien. Car tout ça nous est bien sûr balancé sans le moindre effort de lien, qu’il soit dans le fond (tout ça ne fait évoluer ni l’intrigue ni notre connaissance des personnages), ou dans la forme (on a la désagréable impression de zapper d’un DTV à un autre) malgré le boulot toujours appréciable mais ici guère transcendant du chef op’ Benoit Debie.
Fatalement, Infectés c’est passionnant comme un livre de coloriage quand on n’a pas de crayons de couleur et ça a le gout d’une pizza sans garniture. C’est tellement redondant qu’on a l’impression d’aller au resto et de se faire servir un plat de nouilles tièdes dans des assiettes pas lavées… Pire encore, cette odeur persistante de déjà-vu donne envie au spectateur de regarder discrètement sous ses semelles, pour vérifier qu’il n’est pour rien dans l’atmosphère âcre de crotte sèche qui hante la projection. Certains films s’écoulent comme du purin, ils suintent de l’écran, ils collent aux yeux. Infectés c’est autre chose, Infectés c’est du beau crottin tout sec, et je vous prie de croire qu’il ne vient pas de Chavignol !
Classiquement, la plupart des films d’exploitation un peu cheaps utilisent un canevas entendu pour que le spectateur sache d’emblée de quoi il retourne, permettant de faire l’économie sur le développement onéreux d’un univers propre. Ce canevas servira à rempoter la raison d’être de ce genre de films, à savoir ses divers moments de bravoure et les quelques détails bouturés de ci de là tenteront de lui donner une originalité pour que celui-ci puisse exister face à la concurrence. Ici, l’astuce pour faire moins vulgaire que l’imbuvable étron catalan ou que la nouvelle resucée de Romero (qui finira comme Felix Faure à force de se faire pomper) c’est de nous faire le coup du film d’infectés sans infectés. Une audace brillante, ont du se dire les producteurs malchanceux de ce navet, qu’ils crèvent, vae victis comme aurait dit le poète.
Entendons nous bien, c’est un choix tout a fait honorable qui pousse le récit hors des sentiers battus du zombi flick pour l’emmener vers ceux, plus classique, du film de fin du monde dont La Route est l’un des derniers avatar et assurément l’un des derniers chef d’œuvre (notez au passage la hardiesse de mon propos n’hésitant pas à mettre avatar et chef d’œuvre dans la même phrase). Le principe étant clairement entendu dès le premier plan où l’on nous présente une voiture avec peint sur le capot The Road Warrior, sorte de gros coup de coude bien gras et qui tombe bêtement à plat tellement cette pseudo connivence merdique est hors sujet.
Clairement, ce choix porté vers le non-spectaculaire aurait pu être une riche idée, mais encore aurait-il fallu que les frères Pastor aient quelque chose à dire, et qu’ils sachent le faire… Le pari c’était de montrer l’horreur et la violence qu’un être est obligé d’infliger aux autres pour survivre dans un monde en perdition. C’est assez évident, mais le souci est que le film n’a que ça pour exister et qu’il n’arrivera jamais à faire fonctionner le peu d’ambition qu’il propose. Force est de constater que lorsqu’on tente de faire exister des personnages aussi mal écrits, affublés de caractères aussi grossiers, ça ne leur rend pas service. Ca les pousse à agir de manière illogique (puisque leurs motivations sont floues) donc irrationnelle et, fatalement, le spectateur a du mal à croire que des abrutis pareils puissent survivre plus de dix minutes.
Ce qui n’arrange rien c’est qu’en plus ces personnages sont joués n’importe comment par des acteurs à la ramasse. La palme revenant à la pintade gloussante de service, la donzelle qui sait rester sex même lorsque l’apocalypse frappe à la porte de sa garde robe, j’ai bien sûr nommé, on ne rigole pas s’il vous plait, Piper Perabo ! Piper est, à croire sa fiche imdB, une actrice américaine. Sans rire, elle fut révélée dans le rocambolesque Coyote Girl, inoubliable navet qui avait tant fait mouiller les adolescentes qui s’étaient alors prises de passion pour le fascinant métier de barmaid de charme dans des bars pour gros porcs libidineux… Pour les étourdis, la jaquette du dvd devrait vous donner toute l’ampleur de la chose… A consommer sans modération ! Bref, c’était il y a 10 ans et les frères Pastor qui lui doivent probablement leurs premiers émois s’en souviennent, eux, et lui rendent ici un bel hommage en lui offrant probablement l’un des derniers rôles de sa carrière. Attention, Piper Perabo joue peut être comme une patate un rôle écrit à la vache qui rit, n’empêche que lorsqu’il s’agit de filmer son cul, là on doit reconnaitre que tout le monde s’applique.
Par contre, lorsque son personnage est abandonné sur le bord de l’autoroute à cause de son infection, le spectateur s’en contrefout totalement alors que le récit exigerait plutôt qu’il soit choqué par la décision cruelle qu’implique ces temps apocalyptiques… Les frangins ont pris soin de foirer nonchalamment le seul truc dont ils devaient s’occuper : la psychologie des personnages et leurs interactions. Ennuyé par une intrigue téléphonée, nous ne pouvons donc qu’éprouver une antipathie grandissante à leur égard et lorsque le film les sacrifie pour dynamiser son intrigue, que pourrait-on ressentir d’autre qu’un vague soulagement surnageant brusquement dans une somnolence blasée ? C’est con parce qu’ainsi le film, sans surprise vous me direz, mais en beauté rajouterais-je, foire ses trois climax. Le reste se repose sur un script d’une affligeante nullité et entasse les lieux communs avec un manque constant et consternant d’imagination. Les dialogues déroulent ainsi des enjeux artificiels indignes d’une partie de jeu de rôle organisée à la va vite dans un centre de loisir un mercredi à 17h par un animateur pédophobe en fin de contrat…
Plus le récit avance plus on abandonne de personnages, et donc plus le film se vide. De pas grand-chose mal écrit on se retrouve avec plus rien, mais toujours aussi mal branlé. Le peu de sympathie que le spectateur indulgent aurait pu conserver jusqu’au dénouement caille subitement lorsqu’il doit subir l’insondable idiotie du monologue final, véritable aveu des scénaristes quant à leurs capacités : En gros ils ne savent pas ce qu’ils foutent là, ils ne savent pas ce qui va se passer, ils ne savent rien. Ils sont juste arrivés à destination, sur une plage vue comme une sorte de lien lénifiant avec un passé nostalgique. Ils sont au terme de leur périple non pas parce que la route finit fatalement par déboucher quelque part, non pas parce que c’est la conclusion logique de l’intrigue, mais plus prosaïquement parce que les deux réalisateurs ont épuisés leur liste de péripéties à la con. Les frères Pastor pensent que pour donner une légitimité à leur manque d’inspiration, il suffit d’un peu de gravité, d’une fin ouverte au bout d’un monde qui n’existe déjà plus, suivant dans le sable les traces d’un souvenir qui lui non plus n’est plus, une caméra dans des yeux que l’océan inonde de larmes … On galvanise le tout avec une voix off débitant des sentences définitives et grandiloquentes entrecoupées de plan en super 8 et d’un drapeau américain déchiré flottant au vent. La bande finit par tourner à vide, plus d’images, les souvenirs se tarissent et le monde s’éteint avec le film qui s’achève…
Bon, soyons clair, c’est à ce point merdique que j’en appelle solennellement à Bernard Kouchner. Lui reste-t-il du riz que nous pourrions envoyer à Hollywood pour constiper un peu cette usine à merde ?! Car c’est au moment où se déroule, non pas le rouleau rose du dernier espace de liberté qui nous reste, mais le générique de fin, que je m’interroge sur la possibilité qu’un jour se tarisse la source fétide qui pond avec une régularité diabolique merdes sur merdes, remplissant la fosse des multiplexes, éclaboussant jusqu’à nos propres étagères. On ne peut décemment plus parler d’industrie culturelle à ce niveau, mais d’épandage.

mardi 25 mai 2010

LEGION


Le cinéma américain, plus que tout autre, se nourrit d’idéologies qu’il porte ou révèle, tantôt miroir de la société, tantôt entreprise prosélyte. A l’instar des grands mythes fondateurs du pays de l’Oncle Sam (la frontière, la destinée manifeste) la superstition conditionne l’esprit dans lequel sont produits la plupart des films d’exploitation. De fait, certaines valeurs sont mises en avant et présentées comme sacrées. Aujourd’hui le « happy end » représente le moment où finalement la cellule familiale naturelle se réunie (vous savez, comme dans 2012)… Mais si le cinéma d’exploitation a consacré le militarisme et le patriotisme comme de véritables gimmicks, bien rares sont les films où la religion occupe frontalement le premier plan et conditionne tous les enjeux. C’est le cas de cette innommable Legion qui nous balance une séquelle très personnelle de la Bible et assène entre chaque scène de fusillade un tel moralisme qu’on a l’impression de passer 90 minutes à se faire engueuler par un membre de l’opus dei.
Comme tous les films américains traitant de problèmes philosophiques ou sociaux, Legion s’ouvre sur un psaume (ici un truc du genre « Ecoutez bande de têtards, moi je vais vous apprendre à flipper du Big Boss ») censé donner une certaine consistance à un script qui oscillera constamment entre un premier degré hilarant et la caricature pathétique de ses intentions. Ca fait donc un moment que Dieu est saoulé par l’Humanité, il décide d’envoyer son armée massacrer sa terrestre engeance. Sauf qu’un ange, Michel, décide d’aller contre Sa volonté. Déchu de son statut divin, il atterrit un soir à Los Angeles pour retrouver et protéger Charlie, une pauvre serveuse dont le polichinelle n’est autre que la réincarnation du Christ. Réunis dans un routier au milieu du désert, la serveuse et quelques brebis égarées vont faire face aux démons que Dieu déchaine pour détruire l’enfant. Tous ensembles, ils vont résister deux nuits avant que ne déboule l’Ange Gabriel décidé de remettre de l’ordre dans tout ça. Il échouera, l’Humanité a un nouveau sauveur pour guider les survivants du divin courroux.
Legion est le premier film de Scott Stewart, un responsable d’effets spéciaux dont la boite, The Orphanage, vient de couler. Avec son ancien associé, devenu pour le coup producteur, ils nous balancent un des films les plus rétrogrades et les plus culpabilisateurs qu’on ait pu voir depuis des années. Ils nous refont le coup du final évangéliste d’I am Legend comme s’ils nous remakaient la fameuse scène du Dernier Tango à Paris, mais sans la motte de beurre.
Ce qu’on peut déjà concéder au film c’est que dans ce pays de cocagne qu’est la France, lorsqu’un ange descend sur Terre pour sauver l’Humanité, c’est Mimi Mathy qui vient à la rescousse d’une pauvre mère isolée pour l’aider à remplir sa déclaration RSA. Aux Etats Unis, lorsqu’un ange descend sur Terre, c’est de fin des temps et d’extermination dont il s’agit, et à la place d’ une naine qui trottine dans un studio de la Plaine St Denis on a Paul Bettany (sorte de Pascal Greggory américain) qui défouraille des M16 dans le désert de Mojave. Ca a quand même un peu plus de gueule. Autour de Bettany, on retrouve quelques valeurs sûres de la série B comme Dennis Quaid (le Tuck Pendelton de L’Aventure Intérieure entre autres) qui surjoue son rôle comme si sa vie en dépendait, ou Charles Dutton (le Dillon d’Alien 3) encore une fois abonné au rôle du Noir qui, d’un regard lourd et grave, cite la Bible à tout bout de champ. Ces gueules sympathiques on beau tout tenter pour essayer de nous impliquer dans ce nanard, les dialogues mélodramatiques aux sentences définitives plombent le tout avec un tel sérieux qu’on rirait de bon cœur si on n’avait pas l’impression que le scénario avait été écrit par Pie IX. Au milieu de cette caractérisation à la truelle, Charles Dutton mérite tout de même un Oscar pour son air de chien battu au grand cœur, tellement crétin qu’on se croirait dans un mauvais Eastwood.
Reconnaissons également au film quelques qualités techniques. Certaine images ne sont vraiment pas dégueu et quelques unes, intriguantes, frappent justes. Un peu comme si un mécréant perdu dans l’équipe avait profité d’un dimanche matin pour shooter ces plans dans le dos des responsables, surement plus occupés à accomplir quelques génuflexions qu’à se demander comment filmer correctement ce qu’ils ont sur le papier. Le score de Frizzel est, quant à lui, honorable. On a notre lot d’envolées pompières quand il faut et quelques nappes à la Penderecki lorsque le spectateur doit flipper, ça ne marche pas mais le geste est là.
Le gros souci, c’est qu’une fois encore on a un réalisateur incompétent qui non seulement n’arrive pas à se sortir de sa position de fanboy vis-à-vis de ce qui l’a influencé, mais en plus le revendique à la moindre occasion. Scott Stewart veut que le spectateur reconnaisse l’ombre de Terminator derrière chaque plan, chaque dialogue. Legion emprunte donc à l’unique chef d’œuvre de Cameron son introduction avec l’apparition d’un type dans une rue de Los Angeles. Mais il pompe également le pitch (une serveuse qui se retrouve mère du messie est au centre d’une lutte qui la dépasse) et le final (bandana et route dans le désert compris). Si l’Archange Michel chourave à Reese sa plus célèbre punch line (« suis-moi si tu veux vivre »), Stewart a du se dire que l’Ange Gabriel regardant l’écran avec un air menaçant en sortant « I’ll be back » ça allait peut être faire beaucoup. Et ça, à ce niveau, c’est un peu mesquin… Mais Terminator n’est pas le seul classique à être pompé. Des êtres possédés ? Ah oui… comme ce que fait l’agent Smith de Matrix ! Michel vient prévenir la Vierge Charlie, il parle comme Neo dans Matrix 2 ! Une vieille possédée en veut au bébé ? Elle parle et courre partout comme dans les scènes coupées de L’Exorciste ! Des plaies bibliques s’abattent sur Terre, Stewart a déjà vu ça dans The Mist, L’Hérétique et La Momie !
Evidemment, avec un budget relativement faible, la fin des temps est plutôt cheap, se résumant à une panne de télé et à un essaim de mouches numériques. Pas génial. Alors quand il tourne son plan au Paradis, même si l’ensemble ressemble à un décor oublié de Stargate, il nous propose fièrement un ballet aérien d’anges exterminateurs en formation de combat. Dommage que ce plan ne serve que de bande annonce pour ce qu’on aurait aimé voir et qu’on ne verra jamais… Le spectacle d’anges qui se bourrinent les uns les autres à l’arme automatique c’était pourtant une bonne idée, sacrément bis et sacrément rigolote. Même si pour le réalisateur tout ceci est très sérieux, ce dernier déclare en interview que son pitch était tout à fait crédible. Aussi crédible que s’il avait fait un film sur une inondation géante. Et on dirait même que ça l’excite : « Quand vous regardez les débuts de l’art religieux, vous retrouvez l’Archange Michel avec une épée et une armure, vous vous dites que c’est cool et vous vous demandez qu’elle en serait la version moderne ? Des fusils mitrailleurs et des lances roquettes, avec certainement des minutions illimitées. » Cool, non ?
Alors qu’est ce que ce type a dans la tête ? On peut sérieusement se le demander lorsqu’on voit l’ange Gabriel, censé représenter la fureur de Dieu (Gabriel signifiant « Dieu est ma Force », un sorte de concept entre Ophélie Winter et George Lucas j’imagine), passer la porte du restaurant dans un contre jour élaboré à la truelle et dans une légère contre plongée censée signifier sa puissance … Comment un film qui déroule un propos mystique si réactionnaire se retrouve avec comme bras armé de Dieu, une espèce de type metrosexuel habillé comme s’il faisait l’andouille sur un char de la Gay Pride !? Exhibant en plus entre ses mains fermes son instrument de puissance : une masse d’arme turgescente… Décidemment, chez Stewart, Dieu semble façonner son monde comme un réal italien une série Z.
Déjà bien fauché, le film doit également composer avec une narration complètement foutraque d’accumuler les incohérences, car s’il y ’a bien une légion dans le film, c’est celle des âneries et des invraisemblances. Mais ce ne sont pas vraiment les raisons qui font de cette merde une horreur tellement détestable. Qu’un bébé pas attaché survive à un accident et trois tonneaux, c’est pas bien grave (de toutes façons la voiture est là pour le bonheur de l’Humanité, elle ne peut pas nous faire du mal), en tous cas pas plus que de voir une mère enceinte prête à mettre bas tirer à l’arme automatique ! Que les anges ne pensent pas à posséder les proches de la mère du Messie, pourquoi pas, de toutes façons quand on est habillé comme un figurant des Guerriers du Bronx, on a intérêt à rester un peu à l’écart… Par contre, ce qui ne reste pas à l’écart, c’est bien la bondieuserie abominable du propos.
Lors d’un film de siège, la caractérisation des personnages doit nous aider à nous identifier avec eux, et si l’on commence à vouloir les voir vivre devant nous, c’est que nous tremblerons de plus belle lorsqu’ils seront submergés par la menace qui rode. Ici, chaque personnage porte sa croix et chacun retrouvera la voie dans l’épreuve. La famille de la ville avec le père, la mère et la gothique sera peut être décimée, mais au final la fille comprendra qu’elle a fait souffrir ses parents et qu’elle ne devrait pas porter des jupes si provocantes. Avant le destin funeste qui l’emportera elle saura faire amende honorable. Le bad boy de Las Vegas est sur le sentier de la violence, mais c’est parce qu’il s’est égaré. Le bon Noir bienveillant et pieux saura le mettre sur le chemin de la rédemption et s’il arpentait le mauvais chemin, c’est parce que son ex femme ne voulait pas qu’il parle à sa petite fille. Sans famille l’Homme n’est rien nous dit on. C’est également ce qu’apprendra le personnage de Dennis Quaid, dont l’entêtement a fait voler en éclat son couple. Il n’a pas la foi mais devant l’évidence et grâce au chant du M16, il se repentira et reviendra sur ses erreurs avant de mourir, libérant ainsi son fils qui luttait seul pour recréer une cellule familiale, alors qu’il était rejeté de tous. C’est le benêt du film alors, bien sûr, il survivra. Et la mère du messie ? Lorsque le film débute, elle aussi est perdue, elle refuse son rôle de mère et pire que tout, elle fume ! C’est parce qu’une fois encore sa famille a volé en éclat le jour où son père a quitté le foyer… Mais Michel sait parler aux femmes et elle qui vivait dans la négation (« Je ne suis rien, juste une serveuse, je n’ai même pas de voiture (sic) ») va finir par s’accepter. Elle va apprendre à devenir mère et comprendra que fumer c’est mal et que l’avortement serait le pire des pêchés, car même si ta situation c’est de la merde, qui es tu pour te mesurer aux desseins du Tout Puissant ?! Même une gourde qui n’a pas son permis peut enfanter, et ça, c’est sacré. Le père, lui, n’existe pas, c’est un mystère, alors s’est elle faite engrosser par l’Esprit Saint. les auteurs du film restent discret sur cette histoire, dommage on aurait aimé voir la scène… Bref, lorsque le spectateur se rend compte qu’on est le jour de Noël, elle dépote son messie en moins de deux minutes, sans douleur et avec le sourire du devoir accompli. Elle est prête à aller retrouver les prophètes de chaque religion qui l’attendent pour reconstruire un nouveau monde dévasté. Le film ne s’attarde bien sûr pas sur la vulgaire populace… Manque de moyens ? Oui sûrement, mais surtout parce que le film n’a que faire du ramassis de clochards dégénérés que l’on aperçoit au début du film. Le flic facho qui souhaitait que toute cette saloperie disparaisse aura, in fine, été entendu. Amen.
Reste le personnage qui s’est déchu pour l’amour de l’Humanité (en fait y’a un twist foireux et un Deus Ex Machina qui porte bien son nom mais je vous en fais grâce) : Michel l’archange. Bien qu’ayant grandi avec une foultidude de nanards yankees voulus et créés pour et par des hordes de cul bénis, j’avoue ma profonde inculture sur les différents anecdotes que ressassent les quelques grandes superstitions qui dirigent le monde. Alors pour creuser un peu le sujet, j’ai fait un tour sur la page wiki de Mike. Et là je suis tombé des nues, si j’ose dire. Le gars est un gros poisson, pas une petite sardine à mettre en boite, non, c’est carrément une huile dans l’Evangile. On apprend qu’il est « le chef de la milice angélique », avouez que ça pète. Le reste est ubuesque, on y lit qu’il est également « Archange du premier rayon », une véritable tête de gondole quoi. « Chef des forces du ciel », « chef des armées célestes » sont encore des titres dont on affuble Michel. En fait la Bible a du être écrite à son époque par une sorte de Roland Emmerich local, on y retrouve les mêmes obsessions… La conclusion de la page wiki finit de verser dans l’absurde le plus total, il est carrément de tous les coups : Jeanne d’Arc, il était là, David et Goliath, c’est lui qui a pistonné le petit frondeur, la main retenue d’Abraham, c’est encore lui ! Sarah Connor ? C’est lui aussi ! Mais surtout c’est Michel qui a remporté le plus grand main event jamais organisé : la lutte contre Satan. D’après l’Eglise, Michel est le « Champion du bien », sorte de ceinture toutes catégories ultime !
Alors même si ce film prend parfois la forme d’une série B potache dont on peut se délecter au second degré, toutes les intentions contenues là dedans véhiculent une morale de merde. Même si bien sûr de ce côté ci de l’Atlantique personne ne croira à cette histoire, au premier degré… L’accumulation des valeurs portées, fait l’écho des hantises immondes des groupes politiques les plus réactionnaires. Du vrai cinéma d’extrême droite quoi.

dimanche 25 avril 2010

LA HORDE


En France, depuis quelques années, une armée de trentenaires dont l’enfance épongea la contre culture américaine s’échine à produire des films d’horreur. Alors qu’aujourd’hui cette culture est devenue dominante, les réalisateurs de cette nouvelle vague se plaignent un peu partout d’ostracisme, ils fustigent l’attitude des distributeurs, condamnent la censure du système et maudissent l’indifférence du public… Jusqu’ici, peu de ces films avaient bénéficié d’une aussi grande attente et d’une promotion aussi large que La Horde, produite et réalisée par la première ligne de défense de cet autre cinéma français.(1)

Avant de devenir le commentateur thuriféraire du bis hexagonal, Yannick Dahan était un vrai critique, passionné et sympathique. Sa gouaille fleurie officia d’abord par écrit (dans le regretté Mad Movies, puis dans les magazines Positif et DVD Vision) puis par la suite sur le câble dans sa mythique émission Opération Frisson. Durant des années, son accent toulousain a fustigé avec pertinence et bonne humeur le cynisme des costards cravates qui vendent les films comme de vulgaires bidons de lessive, tout en questionnant les thématiques qui nous interrogent sur la condition humaine en tirant la substantifique moelle de ces films funs, jouissifs et décomplexés qui émoustillent tant les outres bourrées à la bière que nous sommes ! Produit par son futur coréalisateur Benjamin Rocher, l’émission est devenue culte pour sa défense d’un certain cinéma jadis marginalisé qui se voit aujourd’hui reconsidéré comme un genre adulte et intelligent.
Bien évidemment le copinage fait qu’après avoir éreinté sans pitié 300 ou le dernier Roland Emmerich dans de bondissantes et joyeuses chroniques, il a eu plutôt tendance à se tortiller lorsqu’il dut évoquer les films de ses potes, tentant par exemple de justifier maladroitement la sincérité apparente d’un projet certes bancal mais dont la substantifique moelle blablabla … d’un Frontière(S) dans lequel il avait fait de la figuration.
A force de voir passer leurs potes derrière la caméra, ça a du les démanger Dahan et Rocher. Ils ont du se dire qu’ils pouvaient faire pareil, ils avaient une boîte de prod et suffisamment de contacts pour tenter le coup. Et quoi ? Franchement faire moins con que Frontière(S), moins Z qu’A l’intérieur, moins prétentieux que Vinyan ou moins ridicule que Martyrs, ça pouvait sembler jouable… Malheureusement, après avoir vu leur Horde, on se demande si le seul exploit réalisé par Dahan et Rocher n’a pas été d’initier dans l’esprit du spectateur une réévaluation à la hausse de ces navets. En tous cas, c’est indubitablement une pelletée de plus pour le trou où s’enterre année après année le cinéma d’horreur français.

Des flics un peu ripoux veulent buter des dealers retranchés dans la tour à moitié abandonnée d’une cité pourrie. Alors que la situation dégénère et que les idées manquent, les zombies envahissent le décor. Arrivés sur le toit, les deux groupes antagonistes constatent que l’invasion est générale. Ils n’ont, bien sûr, que le choix de s’unir pour redescendre dans la rue, là où sont tous les zombies, alors que les balles manquent.
On peut deviner la finalité de l’ensemble. Il s’agirait de réutiliser la mythologie du film de zombies en l’adaptant à la réalité des banlieues françaises, comme Romero qui, dans ses premiers films, nous parlait de l’Amérique profonde. Placé dans un tel contexte, les factions rivales qui transforment la cité en terrain de guerre auraient à faire face à une horde de zombies, métaphore monstrueuse de la déstructuration totale de la société. Convoquer les codes du cinéma de genre américain pour les mixer avec les particularismes français en confrontant une topographie très américaine à des personnages encrés dans la réalité franchouillarde. Le récit débouchant sur une issue radicale et désespérée, le constat des réalisateurs calquerait alors celui du cinéma contestataire américain dans son profond nihilisme.
Le problème, c’est qu’ils ont beau se raconter le film qu’ils aimeraient faire, tout dans La Horde reste au niveau du brouillon. Et si au moins quelque part les réalisateurs ont fait preuve d’une bonne intuition, c’est dans le choix du casting : Eriq Ebouaney, le Lumumba de Raoul Peck, ainsi que Claude Perron, une habituée des films de Dupontel). Mais aussi l’incroyable Jo Prestia, le Ténia d’Irréversible, le vieux Yves Pignot, ici cabotinant pour rien et Aurélien Recoing au physique très puissant, mais malheureusement très vite dégagé du film.

Il n’est pourtant pas question ici de les blâmer parce qu’ils jouent tous comme des cochons. S’il ne fait nul doute qu’ils connaissent leurs gammes, les pauvres sont à la merci, non seulement de la partition effroyable qu’on leur fait jouer, mais surtout d’une absence totale d’orchestration. Abandonnés, ils font ce qu’ils peuvent pour se dépêtrer de personnages creux aux enjeux confus, ne pouvant que suivre un script indigent aux pistes narratives éventées.
Aucune chance n’est laissée à ces personnages aux destins sans intérêt et dont on se contrefout, toute identification étant sabrée par une radicalité de façade et par les choix hasardeux d’une réalisation semblant mettre flics et dealers dans le même panier, sans qu’aucun propos ne vienne justifier cette confrontation. Ils sont juste là, lâchés pendant une heure et demie, seuls avec le spectateur. Le film n’a rien à dire et pas grand-chose à montrer, jusqu’au générique final où un titre de hip hop chanté par Doudou Masta (qui interprète l’un des dealers) finit par mettre le spectateur de leur côté par un clin d’œil forcé (inconscient ?), créant l’impression d’avoir assisté à un spectacle irresponsable, bien loin de l’irresponsabilité ludique et assumée des meilleures émanations du crew Kourtrajmé.
Aussi nul que soit le film, rien n’est plus dérangeant que le sous texte très premier degré dont ne savent que faire les réalisateurs et qui nous fait plonger dans une perception consternante de la banlieue. Avec son concierge raciste, ses Noirs dealers, ses toxicos et ses flics ripoux, la vision qui se voudrait cauchemardesque de la société tape dans le vide faute de point de vue et le souci du regard social au travers d’une attitude badass donne finalement corps aux fantasmes beaufs et démagos d’un Charles Villeneuve, renvoyant les clichés racistes des productions de Luc Besson au rang de joyeuses pantalonnades.

Et si au moins c’était efficace dans la connerie… Mais ici tout transpire l’immaturité la plus totale. La gestion de l’espace et du temps sont calamiteuses et les scènes d’action sont confuses et illisibles. Et si les réalisateurs évoquent Peckinpah en interview, espérons juste que ce n’est pas parce qu’ils se sont fait plaisir en étirant jusqu’à l’absurde la durée des fusillades ! N’importe quel comateux engourdi par la lassitude profonde que lui inflige cette merde, mais maintenu éveillé par la bande son tonitruante, pourrait faire la différence !

Au fur et à mesure que les protagonistes descendent les étages, la réalisation est de plus en plus bâclée. Alors comme la première scène ressemble déjà à une scène coupée d’un épisode des Cordiers Juge et flic, vous ne pouvez pas imaginer la consternation qui figea la salle de cinéma au moment du climax désopilant du film. Une scène tellement autre qu’on imagine que La Horde aurait eu sa place entre Atomic College et Surf Nazis Must Die si elle ne s’était pas autant prise au sérieux ! Si l’on a très peu vu les zombies dans le film, c’est parce qu’ils se regroupent en masse pour nous offrir ce moment intense où s’alternent l’atterrement, la honte et au final le soulagement, celui de ne pas compter les auteurs de cette farce gonzo comme membres de sa famille.
Les notes d’intentions sont d’une telle évidence qu’on devine, vignette après vignette, comment on pu naitre ces idées pondues au gré des joints qui se roulent. On imagine sans peine l’idée de potes trouvée un soir de beuverie : « Putain les gars, imaginez un flic badass armé d’un flingue et d’une machette sur le toit d’une caisse avec des centaines de zombies autour ! » « Ah ouaiiiis, répond Dahan qui finit sa bière, comme si Frazetta buvait un coup avec Romero ?! » Ainsi a du naitre la grande idée du film, LA scène iconique qui finira sur l’affiche et dans tous les teasers !
Pour cette horde, ils ont recrutés 300 fans sur internet. L’idée n’est pas mauvaise, ça fait déjà 300 personnes qui iront voir le film avec un fort a priori positif, et ils emmèneront probablement leurs potes et leur famille, c’est toujours ça de gagné. On passera sur la crédibilité de la démarche, parce que pour incarner la population d’une banlieue laissée à l’abandon, filmer 300 geeks qui ont tous des gueules à tourner sous linux, c’est déjà bien con mais si en plus on oublie de les maquiller et que les plans sont assez longs pour qu’on grille les trois connards qui rigolent et celui qui comprend rien et qui fait le zombie à contretemps, le bouquet final est digne d’un crash à la Challenger, mais en moins spectaculaire.
Pour couronner le tout, les deux réalisateurs semblent si fascinés par leur séquence qu’ils ont visiblement tenté tous les mouvements de caméras et tous les plans possibles… A l’écran c’est tellement bien ficelé qu’on a juste l’impression de voir les rushs montés bout à bout. Surréaliste.
En fait tout ça est à l’image de la naïveté touchante des caméos des deux lascars : Rocher intervient sous la forme d’une tête tranchée, notons qu’il est assez juste dans son interprétation. Plus en tous cas que Yannick Dahan, toujours plus extraverti et visiblement tout content d’incarner le dernier zombie dans une scène de fusillade où durant de longues minutes des figurants hilares sont passés à la sulfateuse sans pour autant que les cadavres ne s’accumulent. Tant qu’on se fait du bien personne ne s’occupe de savoir si ce moment purement potache ne serait pas en contradiction totale avec le tragique appuyé du dénouement.

Alors on a cherché ce qu’il pouvait bien y avoir de badass dans La Horde. On ne l’aura finalement su qu’une bonne semaine après sa sortie : le seul truc de badass dans La Horde ? C’est la violence avec laquelle elle s’est plantée au box office. Bénéficiant pourtant d’une large promotion, le film est retiré tout penaud des salles en 10 jours. Non seulement le film bande mou, mais en plus il aura été sacrément rapide à venir…
Deux millions d’euros pour un résultat navrant d’amateurisme, et pendant ce temps là, dans le documentaire Viande d’origine française, les réalisateurs de cette nouvelle vague horrifique française se demandent si ce cinéma à sa place en France. Ils devraient plutôt s’interroger sur ce qu’ils ont à proposer avant d’exhorter le public à se mobiliser pour voir en salles des purges onanistes de fanboys ou des expérimentations prétentieuses et essoufflées. Ils se vautrent dans une transgression dépassée depuis 20 ans qui leur sert d’alibi pour hurler à la censure en vulgaire cache misère d’une absence abyssale de propos et de talent.


(1)On les retrouve tous réunis sur le documentaire Viande d’Origine française produit par les frères Rocher, réalisateur et producteur de La Horde : Xavier Frontières Gens, Fabrice Vinyan du Weltz, Julien Maury & Alexandre Bustillo d’A l’intérieur, Maulon et Thevenin pour Humains, David Mutants Morley, Pascal Martyrs Laugier et bien sûr Dahan et Rocher…

mercredi 31 mars 2010

AVATAR


Douze ans après son catastrophiste clafoutis naval, James Cameron revient avec le révolutionnaire© Avatar, immédiatement célébré par une presse trépignante le qualifiant de titanesque. L’épithète est d’une originalité misérable, et c’est bien cette misère intellectuelle crasse qui représente le mieux ce film torché comme on s’essuie après un coït trop rapide. Je vous le dit de suite, Avatar, si ce n’est pas le cinéma de demain, n’en représente pas moins le parfait reflet de l’hypocrisie et du cynisme de notre époque, dispendieuse et vulgaire.
La prophétie est en marche et aujourd’hui le film est un succès monstrueux. Face aux hordes hallucinées qui bouchonnent encore les travées des cinémas du monde entier, la bave aux lèvres et le collyre en poche, le spectateur déçu se sent dubitatif, il s’interroge, quelque peu soupçonneux. Mais qui diantre est-il, cet homme de peu de foi, pour oser douter de la sorte ? Ce mécréant n’est-il qu’un paraplégique du cerveau n’ayant pas su fouler le chemin de la félicité suprême ? Comment peut-il être sourd aux suppliques humanistes d’un film produit par la Fox ? Est-il aveugle, borgne (ou daltonien) qu’il ne fut transporté par la projection en relief ? Cet infidèle, comme tous les chiens de sa race, n’a-t-il donc point de cœur ? Est-il à ce point bouché qu’il aurait perdu son âme d’enfant dans les tréfonds d’un cœur trop aride que les sédiments de l’âge enfouissent un peu plus chaque année ? Vous savez cette grâce qui vous permettait de voir dans les rues des villes à la Noël une féérie magique attisée par mille lucioles bariolées dansant dans une insouciante légèreté délicatement ponctuée par la chute aléatoire de quelqu’aimables flocons blancs… Las, le peine à jouir abandonné par cet infantile hébètement hallucinatoire ne voit plus qu’un triste spectacle : trois pauvres guirlandes clignotantes accrochées par des ouvriers fatigués dans une avenue trop bruyante dégueulant une sombre bouillasse infâme de neige acide alourdie par les gaz d’échappement…
Bref, c’est durant ce rude hiver 2009, un peu avant la Noël donc, que Cameron a convoqué ses ouailles. Suivez moi, et vous verrez la Lumière nous a-t-il dit… Bon avant d’aller plus loin je note quand même que la Lumière c’est 12 euros, peut être un détail pour les Purs qui font le pèlerinage vers le seul Lieu Saint que nous ayons ici bas en France : Le temple de l’Imax du Disney Village. La Lumière est là bas au bout du chemin, la révélation est au fond de la ligne D du RER… Cette Lumière c’est Avatar, un récit de science fiction au service d’une expérience visuelle époustouflante qui décuplera vos sentiments et votre empathie. Le cinéma total est arrivé. C’est la forme qui culbute le fond dans un accouplement improbable du Jour du seigneur et du porno gonzo. Le pauvre type tout gris du début deviendra un héros plein de couleur. Il était paralysé, Avatar lui a redonné des jambes. Lève-toi et marche, lui a dit Cameron. Le temps du cinéma à papa est fini, balayé, consumé par ces nouveaux démiurges. Voila où, grossièrement, la prose des marchands du temple, ces vulgaires vendeurs de papier se battant comme des chiffonniers à coups de scoops frelatés et de slogans panégyriques, voudrait bien nous voir. Un véritable catéchisme inique déblatéré en une logorrhée de chiffres et de résultats en dollars galvanisant les fans dans leur foi de Templiers. Nauséeux. Et absurde comme l’engouement moutonnier d’une foule toujours prompte à aller là où on lui dit d’aller. Médiocrité crasse d’un spectacle vautré sur prêt de trois heures à la finalité écœurante et à la roublardise malsaine et désespérante.
On va aller vite sur le joli bras d’honneur que représente l’histoire. Jake, un humain à roulettes va participer sur Pandora à un programme scientifique visant à le propulser dans un autre corps sous la férule d’une scientifique aigrie mais passionnée. Le problème c’est que des militaires sous les ordres de Quaritch sont là pour aider Selfridge, le représentant d’un conglomérat d’actionnaires, à piller les ressources de la planète. D’abord résigné, le héros va vite reprendre goût à la vie grâce à ses nouvelles jambes et surtout grâce à la gironde fille du chef des autochtones qui, bien que promise au chef des guerriers, n’a d’yeux que pour cet étranger. Après avoir été accusé de traitrise par les deux parties, Jake deviendra l’Elu, choisira la jolie meuf plutôt que le fauteuil roulant, et remportera la victoire. Si tout ceci vous rappelle Call Me Joe, Frank Herbert, Matrix, Gorille dans la Brume, Pocahontas, Danse avec les loups, Le dernier samouraï, Pathfinder et un paquet d’autres trucs, dites vous que c’est normal, Cameron n’a jamais été très doué pour inventer des histoires. On dit même qu’il a une propension maladive à chouraver les idées ou les concepts des autres… Terminator a ainsi gagné un scénariste de plus à ses crédits (Harlan Ellison), évitant un procès pour plagiat. Mais après tout, on est en droit de penser qu’un bon plagiat c’est toujours mieux qu’une bonne idée mal exploitée. Voici donc la chronique d’une arnaque méticuleuse. On nous avait promis un monde créé de toutes pièces et notre ticket de cinéma devait nous servir de passeport pour une virée exotique sans précédent ! Pensez donc, la faune et la flore ont été développées par les plus grands scientifiques de notre époque, leur vision a été couchée sur le papier par les plus grands artistes actuels et ce sont les plus grands magiciens de l’informatique d’aujourd’hui qui ont fait vivre tout cela. Des livres ont même été publiés sur leur travail annoncé comme remarquable… Tout ça, ces notes d’intentions ainsi que les discours formatés de la production, ce n’est rien de plus que du baratin aussi crédible que des promesses étalées sur un flyer de marabout…

On nous vante inlassablement Cameron comme un homme de science, érudit et passionné. Dans son garage je n’en doute pas. Mais à l’écran, force est de constater que le programme avatar et ses aspects techniques sont dégagés en moins de dix minutes. La découverte d’un nouveau corps sur-humain en opposition à l’infirmité physique subie par Jake sera au centre d’une seule scène et rideau. Le fait est acquis, on peut alors passer à autre chose. Un petit peu comme on oubliera la bonne dizaine d’autres avatars aperçus à ce moment là et qui disparaissent purement et simplement du récit. Vivre dans deux corps à la fois, voila pourtant une bien étrange affaire. Ce thème fort actuel brassant virtualité et réalité est ainsi brossé d’une unique phrase, où l’on comprend que Jake néglige son hygiène et sa vie d’humain. Le contraste est tellement appuyé que le spectateur n’a aucune raison de se poser plus de questions.
Tout ce qui pourrait créer un sens est soigneusement, méticuleusement et systématiquement contourné. Le minerai précieux pourrait être à la base d’une question terrible pour le personnage principal. Choisir le camp des indiens revient à condamner sa planète à l’extinction, voila un sacré dilemme. Laisser mourir le monde qui l’a rejeté pour en choisir un autre, pour lequel il va devoir se battre pour être accepté. L’épopée d’une revanche personnelle contre toute l’humanité, voila qui aurait eu un peu de panache. Hélas à la place de la terrible vengeance on se tripote les nattes et le minerai n’est qu’un prétexte. Il n’est important que pour des actionnaires. Formulant un aveu étonnant en parlant de l’unobtainium comme d’un symbole, Cameron nous dévoile que ce qui l’intéresse ne va pas au-delà de la simple caricature. Celle des méchants banquiers et des gentils indiens. Il a voulu que le propos de son film soit évident, il est fléché comme des chiottes d’un UGC de province. Là où l’on nous promettait sautés, fumés, croquants et fondants on se retrouve avec un truc surgelé mal dégelé, tiède, plein de flotte. Là se trouve une bonne partie de la malhonnêteté du discours de Cameron, qu’on retrouve dans la bouche de Quaritch, le méchant colonel : « vous allez voir ce que vous allez voir, c’est une planète super dangereuse, vous allez tous mourir ». Jamais pourtant on ne sentira ce danger annoncé, et ce jusqu’au dénouement.
Pandora donc, une jungle en plastique dont l’exotisme extra terrestre s’incarne essentiellement dans la présence de plantes aquatiques fluos au milieu de fougères à la con. On remarquera bien la hardiesse d’une tentative pour nous faire rêver avec ces merveilleuses montagnes flottantes, c’est bien, mais c’est juste dommage que l’image soit si peu originale. Le bestiaire foisonne d’une pauvre dizaine de bestioles qu’on verra épisodiquement, au gré des besoins du scénario. Elles sont définitivement toutes plus ridicules les unes que les autres, et foin de protestation, vous les atrabilaires défenseurs de cette merde dispendieuse, votre amour pour Avatar ne prouve que votre manque flagrant d’imagination. Un trou béant que toute la mauvaise foi que je ne pourrai jamais réunir ne saurait combler. Alors merde quoi ! C’est pas décent de trouver ça beau et si vous vous contentez de loups dont la férocité tient à de grandes dents sans babines ainsi qu’à de petits yeux luisants de méchanceté, c’est dramatique… Si pour vous un rhinocéros à tête de requin marteau, des chevaux, des dragons et un singe conçus en dépit de toute crédibilité biologique et de tout sens artistique vous suffisent, c’est effarant ! Alors c’est sûr qu’on peut se gausser, trouvant ridicule d’observer ces animaux juste créés pour faire rêver d’un œil trop terre à terre. Mais si ces horreurs me sautent aux yeux, c’est surtout à cause du décalage avec le soin évident donné au réalisme de l’environnement humain. Je pense à ces vaisseaux plutôt bien dessinés où l’on a pris soin de placer des détails pertinents comme les caches poussières devant leurs réacteurs. Même si tout ça reste sans grande surprise c’est cohérent et efficace, là où le traitement de Pandora est bâclé et sans idée. Alors devant un tel désastre les moins jeunes d’entre nous devraient regretter avec une pointe de nostalgie amère le temps où travaillaient des gens comme Syd Mead ou Ron Cobb. On a aujourd’hui de talentueux infographistes, dotés de machines puissantes, mais dénués de vision globale. Des films moches (Emmerich, Snyder) qui s’empilent les uns après les autres. Voila la morne réalité de notre époque.
Les Na’vi. Ou Naa’vi ou Na’vy je sais déjà plus… Et Moat, le Tourouque Makto, Tsutey, Neytiri, Ikran, Eywa… C’est pas parce qu’on est consterné par une telle inventivité lexicale d’analphabète qu’on ne peut pour autant détourner les yeux du ridicule achevé de l’ensemble. Na’vi, tu vois, c’est un peu comme Natives, mais avec une apostrophe au milieu, pour faire extra terrestre… Et ils nous racontent sérieusement que des linguistes se sont penchés sur le langage de ces xénomorphes proposant ainsi une sorte de caution scientifique tout juste bonne à remplir 30 secondes de featurette promo. Vous savez ces petits modules balancés sur le net et à la télé, parfaits pour attirer le gogo et exciter le fan cherchant à tout prix à revivre l’orgasme du premier Star Wars, flatté et émoustillé de croire que pour lui un monde complet à été créé et réfléchi. Dans sa quête, il est aussi pathétique qu’un toxico bavant de convoitise à l’idée de revivre son premier shoot, prêt à remplacer son propre dealer pour se promettre lui-même l’extase. Les épluchures de navet ne trompant pas les porcs, il faut croire que ces animaux ont plus de sens critique que n’importe quel adorateur du King of the World fantasmant devant ces copaux de making of qu’on lui jette en pâture. Tout cela sert surtout à vendre des bouquins remplis de conneries inutiles et de photos moches dont le premier degré discourant des branchies des chevaux apparait comme surréaliste à la vue des énormités d’un récit torché aussi prestement qu’un pet foireux malencontreusement lâché lors d’un diner en ville. On pourra toujours dire ce que l’on veut de Lucas, mais ses marchands du temple proposaient quand même autre chose qu’un PDF minable avec un dictionnaire de 30 mots Navis visiblement improvisés par des stagiaires lors d’une partie de scrabble censé nous faire croire qu’une langue complète a été créée. Cameron a su capitaliser sur ce travail. Le spectateur consterné constatera donc constamment que tout le film durant les Na’wi parlent anglais avec l’accent de Brooklyn ! Ces mêmes dépliants publicitaires nous expliquent que c’est à cause de la faible gravité de la planète que ces machins bleus ont atteints la taille de 4 mètres. Pourquoi pas, il faudra juste m’expliquer pourquoi pour les humains tout semble normal, jouant au basket et se déplaçant tout à fait classiquement. Il y a un tel désir d’entourlouper le chaland avec un discours de bonimenteur de foire que j’avais peur de me faire piquer mon larfeuil pendant les longues heures de projection.
Mais passons donc ces considérations aigries d’enculeur de mouches pour revenir sur l’essentiel. Les Nah’vis, un peuple ombrageux de fiers guerriers. Dix ans de développement pour déboucher sur des humanoïdes de quatre mètres avec une queue de chat et une gueule de panthère pour faire illusion. La queue ne sert qu’à faire joli, on se demande quelle utilité elle peut avoir pour un bipède, et l’aspect panthère ne sert qu’a les rendre plus sexy, tout en conservant une figure suffisamment humaine pour que le film reste grand public. Sur ce point précis même le frileux Tim Burton avait eu plus de courage avec sa Planète des singes. Le choix de la couleur repose également sur une logique imparable : Les couleurs du jaune au rouge sont trop humaines, en vert on les aurait confondu avec la forêt, le bleu était donc l’idée du siècle ! Voulant créer un monde original, Cameron nous dit sérieusement qu’il a décidé de prendre « le contrepoint des petits hommes verts en proposant une grande femme bleue ».
On se retrouve donc avec ces machins vivant dans une autre galaxie mais s’habillant chez Artisans du Monde, un peu masaï pour le côté proche de la terre, un peu apache pour le côté badass et surtout tous gaulés selon les standards de la mode actuelle… Une race plus que pure, une race élégante. Un fantasme bobo de merde rendant d’un coup presque subtil le final « africanophile » de 2012. Cameron, plutôt malin, a peaufiné tout ça pendant dix ans. Il a donc eu le temps de développer une idée révolutionnaire : cette tribu vit en harmonie avec la nature ! Et le film de verser dans le fantasme occidental des peuples primitifs qui, n’étant pas souillés par la technologie développée par des types comme Cameron, sont restés innocents. Purs comme s’ils n’étaient jamais tombé du Jardin d’Eden, les bons sauvages Na’vvis sont notre double immaculé. Ce qui est naturel est bon, point barre. Subtil comme une pub pour un 4X4 diesel.
Et c’est sans surprise qu’on constate une fois de plus que ce qui pourrait rendre ces personnages crédibles, donc attachants, est évacué comme une punkette bourrée hors d’une soirée parisienne. Qui sont-ils ? Comment vivent-ils ? Ce n’est clairement pas le propos. Leurs lieux de culte (mais quel trou de balle a trouvé un concept aussi crétin que L’arbre aux âmes ?), l’existence d’autres tribus, tout ça n’est même pas survolé, juste évoqué. Et pour éviter que le spectateur ne s’intéresse à ce qui pourrait rendre le film intéressant on va l’occuper avec des attrapes-couillons, des gadgets numériques, des hochets en relief. Houuu regarde je vole, houuu regarde je fais du cheval ! Et au bout du compte on te balance en pleine face un bon gros délire mystique bien suranné. Plus c’est gros, plus ça passe. Plus c’est grossier, plus les spectateurs du monde entier se sentiront flattés d’être face à un spectacle dont ils maîtriseront les tenants et aboutissants. Plus c’est con, plus les légions de fans retrousseront leurs manches pour se l’astiquer. La seule et unique caractérisation de cette peuplade, c’est donc leur foi dans la nature s’incarnant dans des ballets new-age au son d’une musique tribale cheapos.
Et tout gravite autour : leur vie, leur peuple, Jake, les humains et le scénario. La morale est si limpide qu’elle en est gênante. A tel point que les plus éclairés des zélotes d’Avatar préféreront regarder ailleurs ! Les Na’vih sont tellement spirituels qu’ils ne peuvent être vaincus. C’est le panthéisme extra-terrestre face à la cupidité humaine, mais c’est surtout la puissance de Dieu face à l’Homme. Drapé dans une vision rousseauiste minable, glorifiant le bon sauvage face à la technologie, la foi face à la cupidité, Cameron nous pond un final phénoménal à la Shyamalan. Mais toujours timoré, il ne va pas aller jusqu’au bout de son propos, privant le spectateur du spectacle réjouissant de marines se battant contre TOUTE la planète (fougères, herbes, insectes et autres animaux compris). L’épique frilosité du Roi du Monde et son étroitesse de cœur nous offrent juste un gros bestiau venant se faire adouber par l’héroïne dans une scène burlesque, hommage que l’on devine involontaire à la scène du tigre de 10000 BC. Cameron célèbre la spiritualité vécue cul nu dans la forêt face au développement technologique forcément destructeur. Pour lui, en même temps que les humains perdent le contact avec la nature, ils perdent la foi et le sens du sacré. Pas tout à fait sûr qu’un affrontement théorique entre ces deux valeurs soit assez clair pour les spectateurs qui viendront tremper leurs truffes dans son auge, Cameron pousse son pion un cran plus loin en faisant de la croyance des indigènes une réalité découverte par la bienveillance du docteur Grace. Oui, la planète a une conscience et oui, chaque être vivant dépend de cette dernière. Vous aviez la foi, nous vous apportons la preuve que Dieu existe. Les pontes de la Fox ont du être content du petit cadeau et les siphonnés qui se foutent à genoux à n’importe quelle occasion pour fustiger la décadence de la modernité ont trouvé leur prophète. Il a décidément une belle gueule le cinéma du XXIème siècle, versé dans l’obscurantisme débile et le primitivisme racoleur.
A l’instar de ce chatoyant univers bien neuneu, la mise en scène de Cameron soulève bravos et vivats. Et même si à propos du scénario les plus illuminés du clergé cameronien avouent à demi-mot son indigence ils préfèrent tous axer leur analyse sur le spectacle, consentant à reconnaître la linéarité basique et souvent maladroite du script. Je pense que personne n’a rien contre le rabâchage d’une histoire universelle, si tant est que l’on ait quelque chose à en dire, ou qu’on s’appelle Terence Malick. Mais ici le script se borne à un canevas éculé, sa codification extrême devrait par sa simplicité dynamiser le rythme du film qui pourtant demeure singulièrement poussif et elliptique ! De plus, sachant qu’Avatar rentrera dans ses frais en séduisant un large public qui d’habitude ne va pas au cinéma plutôt qu’en misant uniquement sur les amateurs de SF, il se sent obligé de souligner tout ce qu’il fait en appuyant ce qui était déjà évident. Pour être sûr que personne ne loupe rien le récit utilise carrément deux voix offs. La première commente de manière redondante l’histoire, la seconde au travers des vidéos que tourne Jake nous bourrine les états d’âme du personnage à chaque moment clé.
Penser que le banquier vénézuélien, l’ouvrier chinois ou la mère de famille française ont besoin d’une telle artillerie pour appréhender son univers me fait penser que Cameron a une bien haute opinion de ce qu’il écrit, et une bien faible de son public. A ce titre, l’introduction du film est édifiante. A peine arrivé sur Pandora la caméra va d’un personnage à l’autre, chacun se retrouvant affublé d’un trait unique de caractère en deux lignes de dialogue. Le personnage de Grace Augustin est emblématique de cette pantalonnade. Elle sort de son caisson et réclame un clope avec supériorité. Grossièrement présentée comme autoritaire, un personnage secondaire déboule pour nous confirmer qu’elle aime les plantes plus que ses semblables. Grace est une misanthrope qui excelle dans son travail, la caricature est dressée en une dizaine de secondes. Les 15 suivantes seront consacrées à sa relation avec Jake qu’elle commence par humilier avant que ce dernier ne lui tienne tête avec morgue. Les deux caractères et l’évidence de leur relation future sont scellés en une minute. Elle traverse ensuite la base pour que nous puissions avoir une idée du décor (quelques secondes de plus) et retrouve le grand patron pour râler. En réponse aux deux lignes de dialogue de Grace, celui-ci lui résume toute la situation (Avatar la prequelle en 20 secondes) puis l’emmène dans son bureau lui montrer l’élément central du film : l’unobtainium, répétant pour les deux ou trois dans le fond qui seraient encore en train de jouer avec leurs lunettes que ses profits sont menacés par les sauvages. Deux minutes pour tout ficeler et planter tous les enjeux. Une chercheuse sévère mais juste, trait propre à tous les génies, préférant ce qu’elle étudie à ses semblables et son patron borné et désinvolte, ne s’intéressant qu’à ses gains financiers. La scène suivante c’est Jake et son premier transfert. Difficile de faire plus expéditif.
Et pitoyablement, tout est à l’avenant. L’écriture du personnage du pote humain du héros est insipide, tout comme l’est celle du chef des guerriers, parfait dans son rôle de faire valoir transparent jusqu’à sa mort, évidemment héroïque. Il a, comme d’habitude et de film en film, l’élégance de laisser sa place à l’Homme Blanc. Et le colonel affublé d’une outrancière cicatrice ? Guindé dans son paternalisme et son autoritarisme guerrier, il est bien sûr bad-ass et fort en gueule, la punch line prémâchée au bout des lèvres. Les bouseux qui trouvent tout ça admirable ne méritent pas d’avoir des yeux, qu’ils se laissent pousser des nattes car ils sont juste bons à se rouler dans les pissenlits ! Et il n’y a pas que l’exposition qui glisse comme une motte de beurre dans un film de Bertolucci, le reste ne présente aucune aspérité, aucune ambiguïté. Tout ce qui nous est présenté a une fonction et n’existe que pour cela. Chaque animal aura son utilité lors du dénouement, le truc féroce reviendra tuer les méchants, le gros herbivore dont on apprend de suite que sa carapace est trop épaisse pour les balles des GI’s servira lors de la charge finale, Trudy Chacon, le personnage joué par Michelle Rodriguez (et son cocasse "Je n’ai pas signé pour ça" qui ne sert qu’à justifier son revirement) permettra au héros de s’échapper de sa prison, c’est tout. Elle reviendra juste se faire crever, son personnage étant sauvé de l’indifférence générale que par le ridicule achevé de ses peintures de guerre.
Des personnages en carton pâte gesticulant dans une intrigue éculée… Comment diable vont-ils faire pour forcer l’empathie pour Jake et son destin téléguidé ? Et bien c’est tout simple, en ayant recours au kitsch le plus exubérant ! D’envolées lyriques inspirées des meilleures pubs Vanya pocket aux effets de manches éhontés (troupes galvanisées, discours démagogiques et guerriers à la Braveheart, mais on pense aussi à Vercingetorix peuples en pleurs…) rien ne nous est épargné, rien. A l’instar de l’exposition, la fameuse mère de toutes les batailles fait peine à voir. Un ballet aérien virtuose mais vain et un combat à terre riquiqui. Filmée comme une suite de morceaux de bravoure interchangeables, elle ne dégage aucune perspective militaire et aucune émotion. Ca voltige beaucoup mais pour pas grand-chose vu qu’on se contrefout royalement d’un final aussi attendu que naïf. Des Navis fades contre des silouhettes de GI’s… On ne compte même pas les points, on subit juste un triste spectacle tape l’œil et imbu de lui-même. Aussi roublard et mensonger qu’un Roland Emmerich nous promettant, il y a quelques mois, rien de moins que la fin du monde pour au final nous livrer un drame intimiste sur les fuites nocturnes d’une petite fille. Bref, tout ça débouche sur une fin consternante et résolvant à la va vite une intrigue minimaliste. Ultime os à ronger pour assurer une pérennité universitaire au film, ce bouzin aussi excitant qu’un grand verre de coca quand on rêve de whisky se conclue sur une réplique calibré pour le culte qui fera bander les exégètes zélé du barbu canadien : Je te vois…
Passons sur le relief, une technique ne servant qu’à immerger le spectateur dans le cadre à grands coups de lattes dans le cul. Pour raconter son histoire Cameron avait-il vraiment besoin qu’on ait l’impression d’avoir les pieds dans la boue ou que le cinéma soit rempli de lianes ? Pour saisir les astuces de l’intrigue, fallait-il vraiment qu’on perçoive avec une telle acuité la profondeur de champ du secrétariat de Selfridge ? Il faut croire que oui, car cette combine, c’est une chouette diversion. Tant qu’on parle de ça, on a quelque chose à dire du film et puis, pour l’industrie, c’est une carotte inespérée pour faire les poches des clients. En résumé un attrape-couillon de plus et pour ce qui est de la fameuse création numérique, il faut avouer que si les expressions des visages impressionnent, c’est loin d’être le cas lorsque les créatures évoluent de plain pied. Interaction minimale avec le décor, mouvements gauches et sans consistance… la révolution du nouveau monde de demain a les mêmes soucis que ceux du monde d’hier. Ce qui fait la différence tient plus dans le budget que dans le réel bond en avant ventilé par la publicité.
Au-delà de la facture extrêmement consensuelle, je reste consterné par ce que le film choisi d’éluder. En filigrane on peut apercevoir un autre film, moins caricatural, qui aurait pu expliquer que l’unobtainium est indispensable pour la survie de l’humanité. Par là même Selfridge aurait gagné en complexité, dépassant son rôle de petit branleur cynique, Quarritch incarnerait une menace moins manichéenne et surtout le dilemme de Jake serait au centre d’un enjeu un peu plus intense. Si le film peut être ponctué de moments d’émotion (forcée) très ponctuels, aucun souffle épique ne le parcourt. Quand je parle de souffle épique je parle d'autre chose que de voir des hordes de ptérodactyles tomber du ciel ou 12 indigènes hurler ensemble en levant leurs arcs... Je parle également d’autre chose que de la symbolique lourdingue qui parsème le film (les ressources et la guerre en Irak, le débarquement de Colomb, la guerre du Vietnam et son imagerie hélico-napalm) qui créé des métaphores creuses dont le récit n’a que faire mais qui contentera le fan voyant en Avatar rien de moins que le reflet de notre monde. Savoir en sus que son film adoré a été critiqué par les ultranationalistes américains (et quelques intégristes anticlopes) sera la preuve irrécusable de son bon goût et de la légitimité pacifiste de l’ensemble.
Tous les 3 ans un film révolutionne le cinéma, et à chaque fois on a le droit au même air de pipeau joué par les mass-médias à la botte des commerciaux californiens. Depuis Terminator 2 c’est devenu un marronnier. Lassant, surtout qu’au final la conclusion est toujours la même : un film ne peut reposer sur ses seuls effets spéciaux. Dans ce domaine, Cameron, c’est le meilleur et le pire. Visionnaire et courageux lorsqu’il réalise Terminator il est aussi le propre fossoyeur de ses ambitions lorsqu’il sort une suite aseptisée dont la substance du récit s’efface devant le spectaculaire. Aujourd’hui, après avoir transformé la SF en sous genre fétide du film de guerre (grâce au très reaganien et très belliciste Aliens), toujours opportuniste dans son époque, il nous exhibe la carte de la conscience écologiste et du discours humaniste. C’est proprement scabreux, une pirouette commerciale diégétique clashant de manière balourde la promotion du film, finissant de noyer le tout dans un cynisme odieux et désespérant. C’est le spectacle pitoyable de l’humanisme cameronien pataugeant dans un grand verre de Coca Cola et de sa conscience écologique imprimée sur des emballages de Big Mac, le tout dans le monde entier, qui m’offre la plus belle conclusion. Un beau résumé pour un film qui trouve sur ces supports sa place idéale. Venez piloter l’hélico de combat d’Avatar sur le site Coca Cola Zero ou vous faire une tronche de Naa’vi sur celui de McDo ! La réalité dépasse la fiction et l’ignominie capitaliste lorsqu’elle déploie ses ailes sur des milliards de dollars occulterait tous les pires méchants du cinéma. Selfridge n’est qu’un pantin en carton ondulé face à Ruppert Murdoch et Quarritch a beau éructer sous ses cicatrices, il est bien moins flippant que le King of the World.
Je ne peux même pas me consoler de la plume des mécontents, la plupart des critiques faussement courageuses mais toujours prêtes à se faire remarquer ne font pas illusion dès que pointant le paternalisme dégradant du film, ils regrettent la subtilité d’un Danse avec les loups… Pauvre de nous… Alors je vous emmerde, vous, les dévots illuminés qui voient en Avatar le futur, notre futur, car votre foi conditionne notre châtiment. Et vous qui vous extasiez, priez, pleurez, vous qui vous agenouillez ou qui retournez simplement voir le film, vous portez une lourde responsabilité devant l’Histoire. Vous êtes les victimes volontaires du gavage de l’industrie cinématographique, vous pensiez vous attabler aux côtés des plus grands alors que vous n’êtes que la dinde qu’on leur sert. Avatar est à votre image, sans tripe, mais fourrée de conneries.

Avatar & Coca Cola
Avatar & Mc Donalds
Avatar & Roger Dean
Avatar & obscurantisme rigolo