INFECTES
Après le nullissime Rec2 et avant le tout pourri The Crazies, Infectés est finalement sorti en salles en France, et vu son score à l’international, c’était pas gagné ! Alors c’est sûr qu’après s’être tapé autant de fours, on n’est pas vraiment surpris que le film des frères Pastor colle un peu au fond et qu’il ait un tel goût de réchauffé.
Infectés c’est la passionnante histoire de deux frangins et de leurs copines en route vers l’océan alors que l’humanité est aux abois, terrassée par un virus. Cette insipide daubasse insignifiante tente bien sûr de surfer sur la mode initiée par 28 jours plus tard. En son temps, le film de Danny Boyle réussît l’exploit de créer un sous-genre aux films de zombies qui évoluent désormais sous son influence, se payant ainsi une nouvelle jeunesse. Las, à l’instar des films de zombies qui à force de répéter le même schéma narratif et d’accumuler les bouses ont lassé leur public et montré leurs innombrables limites, les films d’infections se succèdent et s’enfoncent inexorablement dans une médiocrité toujours plus crasse… Il suffit de voir l’affiche française d’Infectés et celle de The Crazies pour mesurer l’ampleur de ce que ce cinéma incestueux à a nous proposer.
Les frères Pastor sont allé au cinéma et ont des dvds, ils nous offrent donc tous les éléments de départ que le genre requiert, à savoir un monde à l’abandon, quatre survivants et une intrigue troussée comme une liste de supermarché :
-un père et sa fille contaminée,
-un fuyard qui se fait abattre par des rednecks,
-un docteur qui sombre dans la démence mais continue ses expériences,
-un bâtiment habité par un groupe armé et organisé,
-une infection au sein du groupe et l’éviction d’un de ses membres (deux fois)
-et bien sûr l’incontournable retour (réel ou fantasmé) au foyer familial.
En gros toutes les péripéties traditionnelles, ici enfilées comme des bulgares à peine majeures dans un pornif californien. Car tout ça nous est bien sûr balancé sans le moindre effort de lien, qu’il soit dans le fond (tout ça ne fait évoluer ni l’intrigue ni notre connaissance des personnages), ou dans la forme (on a la désagréable impression de zapper d’un DTV à un autre) malgré le boulot toujours appréciable mais ici guère transcendant du chef op’ Benoit Debie.
Fatalement, Infectés c’est passionnant comme un livre de coloriage quand on n’a pas de crayons de couleur et ça a le gout d’une pizza sans garniture. C’est tellement redondant qu’on a l’impression d’aller au resto et de se faire servir un plat de nouilles tièdes dans des assiettes pas lavées… Pire encore, cette odeur persistante de déjà-vu donne envie au spectateur de regarder discrètement sous ses semelles, pour vérifier qu’il n’est pour rien dans l’atmosphère âcre de crotte sèche qui hante la projection. Certains films s’écoulent comme du purin, ils suintent de l’écran, ils collent aux yeux. Infectés c’est autre chose, Infectés c’est du beau crottin tout sec, et je vous prie de croire qu’il ne vient pas de Chavignol !
Classiquement, la plupart des films d’exploitation un peu cheaps utilisent un canevas entendu pour que le spectateur sache d’emblée de quoi il retourne, permettant de faire l’économie sur le développement onéreux d’un univers propre. Ce canevas servira à rempoter la raison d’être de ce genre de films, à savoir ses divers moments de bravoure et les quelques détails bouturés de ci de là tenteront de lui donner une originalité pour que celui-ci puisse exister face à la concurrence. Ici, l’astuce pour faire moins vulgaire que l’imbuvable étron catalan ou que la nouvelle resucée de Romero (qui finira comme Felix Faure à force de se faire pomper) c’est de nous faire le coup du film d’infectés sans infectés. Une audace brillante, ont du se dire les producteurs malchanceux de ce navet, qu’ils crèvent, vae victis comme aurait dit le poète.
Entendons nous bien, c’est un choix tout a fait honorable qui pousse le récit hors des sentiers battus du zombi flick pour l’emmener vers ceux, plus classique, du film de fin du monde dont La Route est l’un des derniers avatar et assurément l’un des derniers chef d’œuvre (notez au passage la hardiesse de mon propos n’hésitant pas à mettre avatar et chef d’œuvre dans la même phrase). Le principe étant clairement entendu dès le premier plan où l’on nous présente une voiture avec peint sur le capot The Road Warrior, sorte de gros coup de coude bien gras et qui tombe bêtement à plat tellement cette pseudo connivence merdique est hors sujet.
Clairement, ce choix porté vers le non-spectaculaire aurait pu être une riche idée, mais encore aurait-il fallu que les frères Pastor aient quelque chose à dire, et qu’ils sachent le faire… Le pari c’était de montrer l’horreur et la violence qu’un être est obligé d’infliger aux autres pour survivre dans un monde en perdition. C’est assez évident, mais le souci est que le film n’a que ça pour exister et qu’il n’arrivera jamais à faire fonctionner le peu d’ambition qu’il propose. Force est de constater que lorsqu’on tente de faire exister des personnages aussi mal écrits, affublés de caractères aussi grossiers, ça ne leur rend pas service. Ca les pousse à agir de manière illogique (puisque leurs motivations sont floues) donc irrationnelle et, fatalement, le spectateur a du mal à croire que des abrutis pareils puissent survivre plus de dix minutes.
Ce qui n’arrange rien c’est qu’en plus ces personnages sont joués n’importe comment par des acteurs à la ramasse. La palme revenant à la pintade gloussante de service, la donzelle qui sait rester sex même lorsque l’apocalypse frappe à la porte de sa garde robe, j’ai bien sûr nommé, on ne rigole pas s’il vous plait, Piper Perabo ! Piper est, à croire sa fiche imdB, une actrice américaine. Sans rire, elle fut révélée dans le rocambolesque Coyote Girl, inoubliable navet qui avait tant fait mouiller les adolescentes qui s’étaient alors prises de passion pour le fascinant métier de barmaid de charme dans des bars pour gros porcs libidineux… Pour les étourdis, la jaquette du dvd devrait vous donner toute l’ampleur de la chose… A consommer sans modération ! Bref, c’était il y a 10 ans et les frères Pastor qui lui doivent probablement leurs premiers émois s’en souviennent, eux, et lui rendent ici un bel hommage en lui offrant probablement l’un des derniers rôles de sa carrière. Attention, Piper Perabo joue peut être comme une patate un rôle écrit à la vache qui rit, n’empêche que lorsqu’il s’agit de filmer son cul, là on doit reconnaitre que tout le monde s’applique.
Par contre, lorsque son personnage est abandonné sur le bord de l’autoroute à cause de son infection, le spectateur s’en contrefout totalement alors que le récit exigerait plutôt qu’il soit choqué par la décision cruelle qu’implique ces temps apocalyptiques… Les frangins ont pris soin de foirer nonchalamment le seul truc dont ils devaient s’occuper : la psychologie des personnages et leurs interactions. Ennuyé par une intrigue téléphonée, nous ne pouvons donc qu’éprouver une antipathie grandissante à leur égard et lorsque le film les sacrifie pour dynamiser son intrigue, que pourrait-on ressentir d’autre qu’un vague soulagement surnageant brusquement dans une somnolence blasée ? C’est con parce qu’ainsi le film, sans surprise vous me direz, mais en beauté rajouterais-je, foire ses trois climax. Le reste se repose sur un script d’une affligeante nullité et entasse les lieux communs avec un manque constant et consternant d’imagination. Les dialogues déroulent ainsi des enjeux artificiels indignes d’une partie de jeu de rôle organisée à la va vite dans un centre de loisir un mercredi à 17h par un animateur pédophobe en fin de contrat…
Plus le récit avance plus on abandonne de personnages, et donc plus le film se vide. De pas grand-chose mal écrit on se retrouve avec plus rien, mais toujours aussi mal branlé. Le peu de sympathie que le spectateur indulgent aurait pu conserver jusqu’au dénouement caille subitement lorsqu’il doit subir l’insondable idiotie du monologue final, véritable aveu des scénaristes quant à leurs capacités : En gros ils ne savent pas ce qu’ils foutent là, ils ne savent pas ce qui va se passer, ils ne savent rien. Ils sont juste arrivés à destination, sur une plage vue comme une sorte de lien lénifiant avec un passé nostalgique. Ils sont au terme de leur périple non pas parce que la route finit fatalement par déboucher quelque part, non pas parce que c’est la conclusion logique de l’intrigue, mais plus prosaïquement parce que les deux réalisateurs ont épuisés leur liste de péripéties à la con. Les frères Pastor pensent que pour donner une légitimité à leur manque d’inspiration, il suffit d’un peu de gravité, d’une fin ouverte au bout d’un monde qui n’existe déjà plus, suivant dans le sable les traces d’un souvenir qui lui non plus n’est plus, une caméra dans des yeux que l’océan inonde de larmes … On galvanise le tout avec une voix off débitant des sentences définitives et grandiloquentes entrecoupées de plan en super 8 et d’un drapeau américain déchiré flottant au vent. La bande finit par tourner à vide, plus d’images, les souvenirs se tarissent et le monde s’éteint avec le film qui s’achève…
Bon, soyons clair, c’est à ce point merdique que j’en appelle solennellement à Bernard Kouchner. Lui reste-t-il du riz que nous pourrions envoyer à Hollywood pour constiper un peu cette usine à merde ?! Car c’est au moment où se déroule, non pas le rouleau rose du dernier espace de liberté qui nous reste, mais le générique de fin, que je m’interroge sur la possibilité qu’un jour se tarisse la source fétide qui pond avec une régularité diabolique merdes sur merdes, remplissant la fosse des multiplexes, éclaboussant jusqu’à nos propres étagères. On ne peut décemment plus parler d’industrie culturelle à ce niveau, mais d’épandage.