A L'INTERIEUR

«Instantanément culte», «un vrai film d’horreur transgressif et crépusculaire», «vous allez comprendre le sens du mot viscéral», «visuellement impressionnant, tendu à craquer et d’une mélancolie rare», «A l’intérieur, dans son réalisme effrayant, va jusqu’au bout des ténèbres, celles dont on ne revient jamais», «Plus qu’une réussite, une date dans l’Histoire du cinéma d’horreur»… Voilà les commentaires enthousiastes lus dans Mad Movies, la revue d’où vient Alexandre Bustillo, l’un des deux réalisateurs de ce film. Une telle solidarité et un tel esprit de camaraderie c’est beau et ça se respecte. Je ne ferais donc pas de commentaire sur cette allégeance bien compréhensible. Je n’en ferais pas non plus sur Yannick Dahan toujours prompt à sortir son flingue mais qui pour le film qui nous intéresse aujourd’hui nous expliqua que la force du film c’était sa modestie et qu’il fallait aller le voir «quand même», mais on devine déjà mieux un certain embarras… Après la vision de ce chef d’œuvre ultime, de cette pierre angulaire du ciné hardcore, réalisé sans concession par des amoureux du genre dont la sincérité n’est bien sûr pas à remettre en doute, je me dois tout de même de nuancer légèrement les critiques peut être légérement empreintes de connivence, mais réunies pour vanter à l'unisson les qualités stupéfiantes de ce chef d'oeuvre !
Devant le spectacle rare de ce qui est sans doute l’un des plus mauvais film de l’Histoire du cinéma, tous genres confondus, on se fait rapidement la remarque qu’ils ont du fumer un sacré paquet de joints sur le plateau ! D’ailleurs ils auraient pu l’aérer un peu avant de mettre le caméscope en route parce que bon, tout ça vire un peu au remake de The Fog filmé dans un appartement témoin des maisons Lagrange ! Eh eh eh, si c’est ça les ténèbres dont on ne revient pas… De toutes façons cherchez pas les ténèbres le seul endroit où le film va aller, c’est dans la salle de bain, pour le côté réalisme effrayant sans doute (c’est la seule pièce à ne pas être enfumée). Les chiottes, un couloir et le salon … Pourquoi pas me direz vous, le salon est grand : les flics arrivent à s’y perdre m’enfin tout ça n’est quand même pas très glorieux et vu que le décor n’est pas bien grand, ils auraient pu faire un effort pour que ça ressemble un peu à quelque chose…
Alors que ce soit bien clair, comme il n’y a pas assez d’idées pour faire ne serait-ce qu’un court métrage, et même si ça ne dure que 70 (mais longues quand même) minutes, le film va se répéter ad nauseam (et c’est bien la seule chose qui me l’aura donné, la nausée) des scènes qui se veulent jusqu’au boutistes et total hardcore, la preuve ? Béatrice Dalle va s’allumer une cigarette en faisant des grimaces horribles, filmée de face avec un montage haché et des images en négatif, houlala, ça veut dire qu’elle est très très colère avec une musique qui vire au sifflement pour dire «Attention ! C’est transgressif et ça va virer au crépusculaire !» L'apanage de tous les machins qui n’ont rien à dire mais qui ne se privent de rien étant de virer immanquablement au n'importe quoi le dernier tiers va donc nous balourder une succession de scènes très insolites, histoire de délayer un peu tout ça et de proposer le final suffisamment tard pour permettre au film d’avoir la durée légale d’un long métrage.
On a donc un ancrage social d'une rare beauferie sur le thème émeutes en banlieue, des flics idiots qui se font buter à l’aiguille à tricoter, un flic encore plus bête qui enchaîne à sa ceinture un p’tit lascar de banlieue à qui il va refiler son flashball (il faut arrêter le LSD les gars, surtout quand vous écrivez un scénario !), laissant seule l’héroïne découpée de partout pour aller changer les fusibles… alors que l’horrible sorcière aux grandes dents rode, cachée dans un pavillon de trois pièces… Elle est forte aussi, elle passe devant, derrière, toujours quand les gentils ont le dos tourné, glissant sur la moquette comme un pet sur une toile cirée. Pendant ce temps là on attend patiemment que le poulet face la vaisselle ou qu’il ouvre les fenêtres pour aérer (ce qui aurait été la meilleure idée du film).
Au bout d’une petite heure les auteurs, alors bien en confiance et à l’instar du spectateur n’ayant peur de rien, arrivent à s’affranchir de la nullité aberrante de ce qu’ils filment pour pousser leur film un cran plus loin, assumant sans honte un n’importe quoi franchement hilarant en dépit des intentions initiales d’un script tendu à craquer et d’une rare mélancolie (sic) ! Le flic qui s’était perdu entre la table basse et le disjoncteur et qui s’était fait tirer dessus à bout touchant dans les yeux à coup de flashball se relève et nous offre une scène qui, sans nul doute, fera date dans l’Histoire du cinéma d’horreur apoplectique en ressuscitant tout d’un coup dans la peau mal maquillée d’une sorte de zombie croquignole qui finira re-trucidé à coup de tringle à rideau ! Chapeau bas messieurs les artistes, c'est «Instantanément culte» !
Arrive donc très paresseusement le temps d’un climax qui n’a pas grand chose à proposer de plus à part une surenchère gore totalement vaine. Alors ça découpe, ça hurle, ça crame, ça plante… Finalement j’attendais un truc plus violent et plus viscéral, une scène qui aurait pu justifier les louanges vendu par le service presse du film, un truc comme je sais pas moi… Béatrice Dalle tricotant une brassière avec le cordon ombilical pendant que le lascar qui ne serait en fait pas mort irait violer le cadavre de la mère ! On rajouterait un peu de caca, encore des boyaux, encore du caca… Las ! C’est bien un film français finalement assez timoré et pas un bon vieux Troma qu’on se fade, donc bon, on reste quand même à un niveau réaliste. C’est «effrayant», oui oui je sais,on était prévenu !
Je passe sous silence le reste de ce que j’ai vu (en fait, le pire pour A l'intérieur, ce ne sont pas tant les mauvaises critiques que le fait qu'on puisse le voir !) pour arriver directement au twist final qui donne bien sûr une ampleur prétentieuse à l’ensemble et qui finit de consterner le spectateur que je fus, d’un coup fort soupçonneux sur la date de péremption des nouilles que je venais d’ingurgiter…
Foin d’intoxication alimentaire, pour écrire ces quelques lignes je me suis repassé le film et les nouilles, la bière ou la weed sont hors de cause !
Il reste tout de même à sauver une ambiance sonore pas trop naze et surtout une scène d’introduction assez bien foutue et qui a le mérite d’avoir la seule ligne de dialogue bien écrite : «connasse».