mardi 13 octobre 2009

CYPRIEN


La comédie française déjà sinistrée par les velléités cinématographique d’une flopée de comiques foireux se devait d’accueillir un nouveau fossoyeur en la personne d’Arthur. Il n’a donc pas suffit au célèbre présentateur de bêtisiers de s’inventer une carrière dans le stand up grâce à ses brouzoufs accumulés via un succès populiste gagné aux dépends de la détresse intellectuelle d’un public essoré par une époque exténuante. Voilà maintenant qu’il se paye un fauteuil de producteur offrant un premier rôle à l’un des pires rejetons de sa génération : son ami Elie Semoun. En 20 ans ce dernier n’a aura eu qu’un seul talent, celui de croiser le chemin du regretté Dieudonné, depuis sa carrière solo s’est bornée à avoir torché des sketchs ringards, tourné des vidéos minables et inventé un univers vulgaire voulant imposer comme « décalé » ce qui n’est que bêtise crasse et insipide grossièreté. Déclarées cultes par les VRP cathodiques de la connerie humaine, les Petites Annonces sont entrées au Panthéon du comique français populaire, celui là même qui rendrait anarchiste n’importe quel nationaliste ayant du respect pour le sens de l’humour. Il était donc évident que l’idée d’une adaptation mercantile sur grand écran allait naitre dans le cerveau opportuniste d’Arthur, satisfaisant par là l’égo démesuré d’un amuseur never been dont la seule gloire aura été de faire rire bêtement des gamins de 12 ans avec des vannes de fin de banquet jalousant probablement les succès cinématographiques de ses camarades campeurs, jet setters ou gaulois…

Cyprien aura donc été « pensé » par ces deux arrivistes. Un personnage repoussant n’existant qu’autour d’une seule réplique (souvenez vous de l’hilarante « je recherche une blonde à forte poitrine ») dont le concept a été essoré pendant plus de 10 ans. Les masses gélatineuses pleines de neurones qui se sont penchées sur le script ont du se dire qu’il manquait peut être un peu de substance, qu’il fallait un gimmick, une astuce, un truc qui accroche alors pourquoi pas les Geeks ? C’est vrai quoi, même Marie Claire et Télépoche en parlent et puis si ça a marché avec les campeurs, les jet setters ou les gaulois, y’a pas de raison ! Arthur a du se dire que l’équation « sujet en vogue + comique connu » avait surement une chance de marcher, la critique sera mauvaise mais si le film dépasse le million d’entrée on lui mangera dans la main. Ce n’est pas une question d’argent bien sûr, c’est plutôt pour enfin trouver du respect dans les yeux de ses pairs qui continuent de le voir comme un péquenot parvenu. C’est donc sous sa bienveillance que pas moins de quatre personnes sont créditées comme « scénaristes ». Pour la gloire on retrouve bien sûr Elie Semoun, scénariste débutant mais dont les talents d’écriture lui auront quand même permis de s’épanouir dans la rédaction de petites annonces. On a ensuite pour la forme David Charhon, le réalisateur, qui a du charcuter le script pendant le tournage pensant que ça lui offrait la crédibilité nécessaire pour pouvoir diriger son équipe de techniciens stagiaires. Viennent ensuite les deux rédacteurs du scénario, d’abord David Guedj qui a fait ses armes comme membre du staff scénario de Plus Belle la Vie - une référence dans le n’importe quoi assumé. Et ensuite Romain Levy qui est l’un des scénaristes des 11 commandements de M. Youn (sans commentaire). Ces deux derniers ont justifié leur salaire en rédigeant un scénario qui emprunte son propos au Dr Jeckyl & Mister Love de Jerry Lewis tout en essayant de reproduire un univers geek dont la principale source d’inspiration semble être les pubs free.fr.

Les rares gags tournant autour du sujet tombent à plat, ou n’existent que par une représentation grossière et caricaturale d’un phénomène que les auteurs méconnaissent totalement. Certaines blagues (le coup de l’embrouille à propos de la prélogie Star Wars) semblent volées à la série Spaced qui représente tout ce que n’est pas ce navet imbuvable. Ici les références se cantonnent à La Guerre des Etoiles, Matrix et Spock, on essaye de faire le malin avec Retour vers le futur mais en se gaufrant lamentablement – en VF on dit « gigowatts » et pas « gigawatts » bande de bananes ! Tout ça donne la furieuse impression que personne n’a vu les films évoqués et qu’un conseiller technique de 12 ans payé en vignettes paninis aurait déjà pu sauver une partie du film, sauf qu’on se demande si Nadine Morano n’a pas été consultante pour les dialogues vu la misère du verbiage pseudo informatique honteusement servie. Le film n’étale pas seulement une parodie d’une médiocrité consternante mais il réussit surtout l’exploit de tartiner une caricature datée, surannée, que même les articles opportunistes publiés ces dernières années sur ce pseudo phénomène n’osent plus brosser.

Penchons nous sur l’histoire édifiante de ce limon merdique. Cyprien et ses amis sont des trentenaires attardés qui vivent dans leur monde de jeux vidéos et de cinéma et ne sont clairement pas faits pour un monde extérieur qui passe son temps à se moquer d’eux. Un jour Cyprien découvre un spray qui le transforme en beau gosse, il va pouvoir posséder tout ce qu’il convoitait (des bonasses à poils) mais se rendra vite compte que ce n’est rien à côté de l’amitié de ses vrais amis. Une fille verra la beauté à travers la laideur de Cyprien et la laideur dans le beau gosse qu’il prétend être devenu… Chapeau les artistes, cet étalage de bons sentiments, sur le papier, c’était déjà beau comme un cancer du pancréas, du baume au cœur tartiné comme on talquerait le cul d’un vieillard incontinent, ça a fait vibrer ma glotte, mais tout ça n’est rien à côté de la mise en image du script. Ici, c’est bien simple, tout est plus raté qu’un pilote de sitcom qui aurait été refusé par une chaine régionale.

Les acteurs sont complètement à la ramasse : Mouloud Achour et le pistonné Vincent Desagnat (son père a réalisé Les Charlots contre Dracula, son frère a réalisé La Beuze et sa grand-mère a joué dans Louis La Brocante, une famille fascinante …) qui semblent s’être retrouvés acteurs suite à une erreur informatique au pôle emploi de leur quartier, Catherine Deneuve, si impliquée dans le film qu’on a l’impression qu’elle a tourné ses scènes pendant ses pauses clopes. Eprouvons un petit peu de pitié pour J.M. Lahmi et Léa Drucker qui sont plutôt bons (surtout au milieu d’acteurs qui jouent ou surjouent comme des cochons) et dont la seule faute professionnelle réside dans leur tentative de défendre l’indéfendable. Le spectateur, gêné mais bienveillant, préférera oublier derechef leur présence céans. Le clou du spectacle c’est bien sûr ce gros ringard suffisant d’Elie Semoun qui semble oublier que le cinéma c’est pas tout à fait comme un plateau de télé. Alors jouer le trentenaire attardé à 45 ans avec un dentier, du beurre dans les cheveux et des lunettes de mardi gras c’est déjà misérable, surtout quand à la base on a déjà une tête de con, mais lorsqu’on incarne le beau gosse juste avec sa gueule et une perruque, là, c’est forcément le coup de grâce ! On rougit presque devant l’indécence de la situation et on enrage de participer passivement à l’étalage d’une pareille obscénité. On aurait pu s’inquiéter du ridicule achevé de la situation et de la santé mentale du principal protagoniste mais l’on se souvient tous bien sûr de ses tentatives pathétiques de faire le crooner en sortant de rocambolesques disques de bossa nova ! Force est d’admettre une constance farouche dans l’absence totale de dignité qui force le respect. Le film débute comme un crime contre l’intelligence, à tel point que durant les 20 premières minutes on s’attend presque à ce que les personnages soient présentés par Christophe Hondelatte. A mi parcours le spectateur saisi d’effroi devant ce qu’il qualifie alors de crime contre l’Humanité oublie le journaliste marlou de France 2 et pense voir le film s’achever carrément à Nuremberg. Hélas on ne juge pas les responsables des infamies du septième art. On aimerait pourtant qu’exception soit faite pour qu’ils soient châtiés à la hauteur de leur crime. Qu’ils soient noyés dans leur mépris, pendus par leur opportunisme, garrotés par leur nullité et asphyxiés par leur manque de talent. Cyprien est un film qui plaide pour le retour de la barbarie. Cyprien, c’est un crachat dans la plaidoirie de Badinter.

Filmé avec les pieds, éclairé comme un chantier de BTP en plein hiver, monté comme un film de vacances où il aurait fait mauvais temps et dialogué par une dream-team de ouf (Semoun, Plus Belle la Vie, les 11 Commandements, Arthur) il est préférable de passer rapidement sur l’aspect « technique » du film… Et puis c’est normal, c’est une comédie, on ne va quand même pas chercher des idées de mise en scène ou se faire chier avec la photo ! Mais au delà de la nullité endémique de ce projet qui suffisait déjà à rendre détestable l’inculte vermine responsable de ce produit pour bouseux, il reste que la conclusion du film offre un débouché intéressant, la crotte qui fait déborder le seau de vomi en quelque sorte, l’allumette qui met le feu à un pet déjà dégueulasse. Un tel niveau de bêtise, qui défiait crânement une concurrence pourtant sérieuse, était déjà un exploit ma foi fort surprenant mais il fallait conclure le tout avec une bonne louche de cynisme. Ce n’était visiblement pas assez qu’on vous défèque dessus, il fallait en guise d’épilogue qu’on vous crache à la gueule. Cyprien, vous l’aurez compris, est censé fustiger les parvenus imbus d’eux-mêmes qui brillent aux dépends des sans grades qu’ils écrasent et des moches dont ils se moquent. On ne peut pas dire que cette guimauve faisandée soit bien révolutionnaire ou bien compliquée à entraver, pourtant Semoun se fend d’une morale au travers d’un monologue final qui dit en substance : «Laissez nous être des ratés »… Pendant une heure et demie on nous chante avec une grâce pachydermique que les ratés ne sont pas ceux qu’on croit pour au final étaler une béate satisfaction de gros con. Laissez nous être des cons, des nuls, des merdes, laissez nous donc rater notre vie. Tout ce qu’on vous a présenté, le cinéma, les trucs de geeks, l’informatique tout ça, c’est bien pour les gros cons, alors laissez les être des gros cons, et puis si sur un malentendu ils arrivent à choper une meuf, ben c’est pas si mal. Comme si Semoun était venu s’essuyer les pieds sur le « script » pour y faire son numéro sans s’occuper de la tartufferie incohérente de sa réplique.

Finalement le parallèle entre les méchants imbus et cruels du film et les auteurs est fascinant. Parce que si il y a bien quelqu’un qui se moque de vous, de ce que vous aimez, le traite par-dessus la jambe et vous exploite ce sont bien eux. Eux, qui ont fait un film qui te dit qu’aimer passionnément le cinéma c’est être une merde ! Et leurs calculs mesquins d’opportunistes gluants sont évidents : Moins d’un million de personne sont allé voir le film ? Et alors !? Il reste toujours le juteux marché des DVDs… Et si rien ne se vend ça fera toujours des arguments pour les potes du gouvernement qui soutiennent la loi Hadopi et ils fustigeront de concert l’incivisme d’internautes ingrats crachant dans la main qui les nourrit. Ce film est comme un sac poubelle abandonné dans l’entrée et qui suinte. On ne s’en méfie pas, mais il exhale une odeur de mort, de défaite. Maudit soit le jour où ce film est sorti. Maudits soient Arthur et Semoun. Maudits, qu’ils soient maudits, et piétinés !