mardi 13 octobre 2009

CYPRIEN


La comédie française déjà sinistrée par les velléités cinématographique d’une flopée de comiques foireux se devait d’accueillir un nouveau fossoyeur en la personne d’Arthur. Il n’a donc pas suffit au célèbre présentateur de bêtisiers de s’inventer une carrière dans le stand up grâce à ses brouzoufs accumulés via un succès populiste gagné aux dépends de la détresse intellectuelle d’un public essoré par une époque exténuante. Voilà maintenant qu’il se paye un fauteuil de producteur offrant un premier rôle à l’un des pires rejetons de sa génération : son ami Elie Semoun. En 20 ans ce dernier n’a aura eu qu’un seul talent, celui de croiser le chemin du regretté Dieudonné, depuis sa carrière solo s’est bornée à avoir torché des sketchs ringards, tourné des vidéos minables et inventé un univers vulgaire voulant imposer comme « décalé » ce qui n’est que bêtise crasse et insipide grossièreté. Déclarées cultes par les VRP cathodiques de la connerie humaine, les Petites Annonces sont entrées au Panthéon du comique français populaire, celui là même qui rendrait anarchiste n’importe quel nationaliste ayant du respect pour le sens de l’humour. Il était donc évident que l’idée d’une adaptation mercantile sur grand écran allait naitre dans le cerveau opportuniste d’Arthur, satisfaisant par là l’égo démesuré d’un amuseur never been dont la seule gloire aura été de faire rire bêtement des gamins de 12 ans avec des vannes de fin de banquet jalousant probablement les succès cinématographiques de ses camarades campeurs, jet setters ou gaulois…

Cyprien aura donc été « pensé » par ces deux arrivistes. Un personnage repoussant n’existant qu’autour d’une seule réplique (souvenez vous de l’hilarante « je recherche une blonde à forte poitrine ») dont le concept a été essoré pendant plus de 10 ans. Les masses gélatineuses pleines de neurones qui se sont penchées sur le script ont du se dire qu’il manquait peut être un peu de substance, qu’il fallait un gimmick, une astuce, un truc qui accroche alors pourquoi pas les Geeks ? C’est vrai quoi, même Marie Claire et Télépoche en parlent et puis si ça a marché avec les campeurs, les jet setters ou les gaulois, y’a pas de raison ! Arthur a du se dire que l’équation « sujet en vogue + comique connu » avait surement une chance de marcher, la critique sera mauvaise mais si le film dépasse le million d’entrée on lui mangera dans la main. Ce n’est pas une question d’argent bien sûr, c’est plutôt pour enfin trouver du respect dans les yeux de ses pairs qui continuent de le voir comme un péquenot parvenu. C’est donc sous sa bienveillance que pas moins de quatre personnes sont créditées comme « scénaristes ». Pour la gloire on retrouve bien sûr Elie Semoun, scénariste débutant mais dont les talents d’écriture lui auront quand même permis de s’épanouir dans la rédaction de petites annonces. On a ensuite pour la forme David Charhon, le réalisateur, qui a du charcuter le script pendant le tournage pensant que ça lui offrait la crédibilité nécessaire pour pouvoir diriger son équipe de techniciens stagiaires. Viennent ensuite les deux rédacteurs du scénario, d’abord David Guedj qui a fait ses armes comme membre du staff scénario de Plus Belle la Vie - une référence dans le n’importe quoi assumé. Et ensuite Romain Levy qui est l’un des scénaristes des 11 commandements de M. Youn (sans commentaire). Ces deux derniers ont justifié leur salaire en rédigeant un scénario qui emprunte son propos au Dr Jeckyl & Mister Love de Jerry Lewis tout en essayant de reproduire un univers geek dont la principale source d’inspiration semble être les pubs free.fr.

Les rares gags tournant autour du sujet tombent à plat, ou n’existent que par une représentation grossière et caricaturale d’un phénomène que les auteurs méconnaissent totalement. Certaines blagues (le coup de l’embrouille à propos de la prélogie Star Wars) semblent volées à la série Spaced qui représente tout ce que n’est pas ce navet imbuvable. Ici les références se cantonnent à La Guerre des Etoiles, Matrix et Spock, on essaye de faire le malin avec Retour vers le futur mais en se gaufrant lamentablement – en VF on dit « gigowatts » et pas « gigawatts » bande de bananes ! Tout ça donne la furieuse impression que personne n’a vu les films évoqués et qu’un conseiller technique de 12 ans payé en vignettes paninis aurait déjà pu sauver une partie du film, sauf qu’on se demande si Nadine Morano n’a pas été consultante pour les dialogues vu la misère du verbiage pseudo informatique honteusement servie. Le film n’étale pas seulement une parodie d’une médiocrité consternante mais il réussit surtout l’exploit de tartiner une caricature datée, surannée, que même les articles opportunistes publiés ces dernières années sur ce pseudo phénomène n’osent plus brosser.

Penchons nous sur l’histoire édifiante de ce limon merdique. Cyprien et ses amis sont des trentenaires attardés qui vivent dans leur monde de jeux vidéos et de cinéma et ne sont clairement pas faits pour un monde extérieur qui passe son temps à se moquer d’eux. Un jour Cyprien découvre un spray qui le transforme en beau gosse, il va pouvoir posséder tout ce qu’il convoitait (des bonasses à poils) mais se rendra vite compte que ce n’est rien à côté de l’amitié de ses vrais amis. Une fille verra la beauté à travers la laideur de Cyprien et la laideur dans le beau gosse qu’il prétend être devenu… Chapeau les artistes, cet étalage de bons sentiments, sur le papier, c’était déjà beau comme un cancer du pancréas, du baume au cœur tartiné comme on talquerait le cul d’un vieillard incontinent, ça a fait vibrer ma glotte, mais tout ça n’est rien à côté de la mise en image du script. Ici, c’est bien simple, tout est plus raté qu’un pilote de sitcom qui aurait été refusé par une chaine régionale.

Les acteurs sont complètement à la ramasse : Mouloud Achour et le pistonné Vincent Desagnat (son père a réalisé Les Charlots contre Dracula, son frère a réalisé La Beuze et sa grand-mère a joué dans Louis La Brocante, une famille fascinante …) qui semblent s’être retrouvés acteurs suite à une erreur informatique au pôle emploi de leur quartier, Catherine Deneuve, si impliquée dans le film qu’on a l’impression qu’elle a tourné ses scènes pendant ses pauses clopes. Eprouvons un petit peu de pitié pour J.M. Lahmi et Léa Drucker qui sont plutôt bons (surtout au milieu d’acteurs qui jouent ou surjouent comme des cochons) et dont la seule faute professionnelle réside dans leur tentative de défendre l’indéfendable. Le spectateur, gêné mais bienveillant, préférera oublier derechef leur présence céans. Le clou du spectacle c’est bien sûr ce gros ringard suffisant d’Elie Semoun qui semble oublier que le cinéma c’est pas tout à fait comme un plateau de télé. Alors jouer le trentenaire attardé à 45 ans avec un dentier, du beurre dans les cheveux et des lunettes de mardi gras c’est déjà misérable, surtout quand à la base on a déjà une tête de con, mais lorsqu’on incarne le beau gosse juste avec sa gueule et une perruque, là, c’est forcément le coup de grâce ! On rougit presque devant l’indécence de la situation et on enrage de participer passivement à l’étalage d’une pareille obscénité. On aurait pu s’inquiéter du ridicule achevé de la situation et de la santé mentale du principal protagoniste mais l’on se souvient tous bien sûr de ses tentatives pathétiques de faire le crooner en sortant de rocambolesques disques de bossa nova ! Force est d’admettre une constance farouche dans l’absence totale de dignité qui force le respect. Le film débute comme un crime contre l’intelligence, à tel point que durant les 20 premières minutes on s’attend presque à ce que les personnages soient présentés par Christophe Hondelatte. A mi parcours le spectateur saisi d’effroi devant ce qu’il qualifie alors de crime contre l’Humanité oublie le journaliste marlou de France 2 et pense voir le film s’achever carrément à Nuremberg. Hélas on ne juge pas les responsables des infamies du septième art. On aimerait pourtant qu’exception soit faite pour qu’ils soient châtiés à la hauteur de leur crime. Qu’ils soient noyés dans leur mépris, pendus par leur opportunisme, garrotés par leur nullité et asphyxiés par leur manque de talent. Cyprien est un film qui plaide pour le retour de la barbarie. Cyprien, c’est un crachat dans la plaidoirie de Badinter.

Filmé avec les pieds, éclairé comme un chantier de BTP en plein hiver, monté comme un film de vacances où il aurait fait mauvais temps et dialogué par une dream-team de ouf (Semoun, Plus Belle la Vie, les 11 Commandements, Arthur) il est préférable de passer rapidement sur l’aspect « technique » du film… Et puis c’est normal, c’est une comédie, on ne va quand même pas chercher des idées de mise en scène ou se faire chier avec la photo ! Mais au delà de la nullité endémique de ce projet qui suffisait déjà à rendre détestable l’inculte vermine responsable de ce produit pour bouseux, il reste que la conclusion du film offre un débouché intéressant, la crotte qui fait déborder le seau de vomi en quelque sorte, l’allumette qui met le feu à un pet déjà dégueulasse. Un tel niveau de bêtise, qui défiait crânement une concurrence pourtant sérieuse, était déjà un exploit ma foi fort surprenant mais il fallait conclure le tout avec une bonne louche de cynisme. Ce n’était visiblement pas assez qu’on vous défèque dessus, il fallait en guise d’épilogue qu’on vous crache à la gueule. Cyprien, vous l’aurez compris, est censé fustiger les parvenus imbus d’eux-mêmes qui brillent aux dépends des sans grades qu’ils écrasent et des moches dont ils se moquent. On ne peut pas dire que cette guimauve faisandée soit bien révolutionnaire ou bien compliquée à entraver, pourtant Semoun se fend d’une morale au travers d’un monologue final qui dit en substance : «Laissez nous être des ratés »… Pendant une heure et demie on nous chante avec une grâce pachydermique que les ratés ne sont pas ceux qu’on croit pour au final étaler une béate satisfaction de gros con. Laissez nous être des cons, des nuls, des merdes, laissez nous donc rater notre vie. Tout ce qu’on vous a présenté, le cinéma, les trucs de geeks, l’informatique tout ça, c’est bien pour les gros cons, alors laissez les être des gros cons, et puis si sur un malentendu ils arrivent à choper une meuf, ben c’est pas si mal. Comme si Semoun était venu s’essuyer les pieds sur le « script » pour y faire son numéro sans s’occuper de la tartufferie incohérente de sa réplique.

Finalement le parallèle entre les méchants imbus et cruels du film et les auteurs est fascinant. Parce que si il y a bien quelqu’un qui se moque de vous, de ce que vous aimez, le traite par-dessus la jambe et vous exploite ce sont bien eux. Eux, qui ont fait un film qui te dit qu’aimer passionnément le cinéma c’est être une merde ! Et leurs calculs mesquins d’opportunistes gluants sont évidents : Moins d’un million de personne sont allé voir le film ? Et alors !? Il reste toujours le juteux marché des DVDs… Et si rien ne se vend ça fera toujours des arguments pour les potes du gouvernement qui soutiennent la loi Hadopi et ils fustigeront de concert l’incivisme d’internautes ingrats crachant dans la main qui les nourrit. Ce film est comme un sac poubelle abandonné dans l’entrée et qui suinte. On ne s’en méfie pas, mais il exhale une odeur de mort, de défaite. Maudit soit le jour où ce film est sorti. Maudits soient Arthur et Semoun. Maudits, qu’ils soient maudits, et piétinés !

vendredi 12 juin 2009

TERMINATOR SALVATION


Dès la fin des années 50 le cinéma américain fut constellé d'oeuvres de SF mettant en scène la destruction de l'humanité par la bombe H, la mère de toutes les bombes (Le Dernier Rivage, Dr Folamour, La Bombe, Fail Safe... ). Les années 70 proposèrent ensuite le spectacle de sociétés reconstruites sur les cendres de l'apocalypse, des sociétés fascistes (Rollerball ou L'Age de Cristal) ou carrément barbares (Mad Max 2 en 1982). Probablement provoquée par la reprise des hostilités et des discours catastrophistes et va t'en guerre entre russes et américains depuis l'élection de Reagan en 1981, on assiste durant les eighties au retour des films post-nukes. 1983 avec Testament et The Day After, 1984 avec le britannique Threads ou en 1986 avec le dessin animé When the wind blows. Tous ces films théorisent et rivalisent d'imagination et de détails pour nous montrer ce qui nous pend alors au nez : la fin probable et toute proche de l'humanité.
C'est en 1984, donc en plein milieu de ce revival atomique, que James Cameron sort Terminator. A l'unisson de son époque, il nous dit que la guerre atomique aura bien lieu et qu'elle sera le fait indirect de la course aux armements. L'Homme s'est fait piéger par les armes qu'il a lui même créées pour se défendre... Un scénario "classique" reprenant la défiance populaire à l'encontre du progrès scientifique et militaire et qui venait d'être illustré l'année précédente par le Wargames de John Badham. Le discours est simple, notre destin c'est la guerre et il est trop tard pour éviter la tragédie et c'est dans ce contexte "chaud" que Cameron va raconter son histoire. Un Terminator vient du futur pour éliminer la future mère du leader de la Résistance. Si elle meurt, les machines auront remodelé l'histoire et nous perdrons la guerre et si l'espoir de l'humanité réside dans cette victoire, il n'est pas question toutefois de pouvoir éviter la catastrophe atomique. Le Terminator est une machine qui ne rigole pas, "something that felt no pity, no pain, no fear, something unstoppable" nous disait alors l'affiche du film. Aussi inéluctable qu'est l'avancée du temps et ainsi notre rapprochement fatal vers la guerre, le Terminator piste sa proie et rien ne peut le stopper. Même complètement détruit, il rampe encore et encore vers sa cible. Un méchant incroyable, fascinant, dont la sobriété et l'abnégation sont d'une classe folle. Comparé aux autres "bad guys", celui ci dépouillé de tout ne conserve en lui que le mal à l'état brut, un colosse nu tel qu'il apparait devant la troupe de punks. Depuis 1984, quiconque s'est chamaillé avec son disque dur ou une carte mère connait l'effroyable inhumanité des machines... Si en plus son programme est de vous éxecuter, pas de dialogue possible, juste la fuite.

Quelques années plus tard, en 1991, Cameron dynamite la noirceur de son film en sortant sur les écrans une suite boursouflée à la cortizone, gonflée aux effets spéciaux. D'avantage évènement technique que révolution scénaristique le Terminator 2 avait été accueilli avec une certaine fraîcheur de la part de certains fans (dont votre serviteur faisait partie). A la fin du second opus le jugement dernier est évité, le jeune Connor est sauvé grâce à un T800 venu le sauver d'un T1000... Le futur n'est plus inéluctable, le destin nous appartient et l'avenir sera ce qu'on en fait. La morale confortable d'un film pour ado à la violence édulcorée et au rendu très familial. Terminator 2 c'est le remake du premier avec une morale rassurante pour le grand public : les machines ont désormais une raison pour être devenues méchantes (car elles n'ont fait que se défendre d'une tentative de déconnexion générale) mais au final le Terminator se sacrifie pour nous sauver et s'il s'est humanisé (en faisant des blagues en espagnol) c'est que au bout du compte nous aussi nous pouvons apprendre à redevenir humains, nous nous sauvrons de nous mêmes pom pom tralala...
J'ai toujours trouvé ce revirement douteux. Il niait l'esprit du premier et ce qu'il nous proposait à la place ne m'intéressait pas. Terminator baby sitter contre un Terminator liquide dans un affrontement surfriqué, à l'évidence c'était le début de la fin pour une franchise qui d'années en années continuera de revendiquer une mythologie tout en lui tournant le dos.
Suite tardive, le troisième fit le choix de la parodie morveuse du second et n'existait que pour le feu d'artifice final tant attendu...
En multipliant les terminators et en leur donnant des pouvoirs démesurés, les deux suites se retrouvaient écartelées entre les possibilités offertes sur le papier par ces nouvelles machines et par la nécessité de faire vivre le suspense. Grand écart impossible ruinant la suspension d'incrédulité... Combien de fois le T1000 aurait t'il pu tuer directement John Connor ? Pourquoi nous infliger des scènes où on le voit faire "non non" du doigt, là où le T800 du premier film éblouissait le spectateur dans sa volonté sans fioriture !? Place donc à un spectacle vain dont la représentation virtuose rend le spectateur confus, l'abandonnant à la vision joyeuse d'une pyrotechnie élaborée et laissant en chemin l'imaginaire qui formait le cocon d'une histoire puissante et cohérente. Ils ont tué le Terminator, comme ils tuèrent l'Alien, en le multipliant...

Mis en boite par le réalisateur de Drôles de Dames Joseph McGinty (dit McG, claaasse), Terminator Salvation est donc la troisième suite du chef d'oeuvre de Cameron, et, ce coup ci (c'est à la mode) on nous propose une sorte de reboot premier degré de l'histoire clairement élaboré en vue de nous servir une nouvelle trilogie... Et c'est finalement dans cette remise à plat que réside le seul vrai point positif de cette assourdissante purge. Sortir enfin du carcan scénaristique proposé par les trois premiers films était une idée séduisante pour le spectateur qui se titillait légitimement la nouille se demandant bien quel nouveau chemin un récit "original" allait-il pouvoir emprunter. Bien sûr, on pouvait se douter qu'il y avait de grandes chances pour qu'on le conduise directement et une fois de plus dans la fosse à purin, mais la mise en bouche proposée par la bande annonce avait réussi à exciter tout le monde, "si vous nous écoutez c'est que vous êtes la résistance"...
Si les toujours très professionnels faiseurs d'Hollywood arrivent généralement à sauver les apparences en produisant des films aseptisés comme des saucisses de celluloïde calibrées pour que rien ne dépasse dans les étals des Virgins du monde entier, il arrive pourtant qu'au pays du billet vert et de la machine à illusion tout foire et que tout parte en quenouille transformant un soufflet de 200 millions de dollars (50 fois plus que l'original) en gloubi boulga infâme et indigeste. Ici c'est bien simple la vulgarité intellectuelle des idées proposées n'a d'égale que l'incohérence totale de l'ensemble. Sans queue ni tête le résultat projeté à l'écran est si aberrant qu'on doute que quelqu'un ait pu voir le film avant que la copie n'ait été dupliquée. Comme si du technicien au réalisateur tout le monde s'était barré en week-end une fois le boulot torché, persuadé que quelqu'un d'autre s'occuperait de fermer les fenêtres et de couper le compteur.
Face à une telle tourte, les fans, prévisibles comme une fin de film PG13 remonté, volèrent prestement au secours de leur franchise préférée en mettant en avant d'une manière quasi pavlovienne le fait que Salvation a été amputé d'une trentaine de minutes. Evidemment, on se doute bien que ça ne doit pas arranger une narration confuse aux enjeux stupides et brouillons, mais je lance le pari que les 30 minutes de plus ne feront juste qu'épaissir encore plus la panade déjà bien beurrée qui nous a été servie... Espérer boucher les trous du script en voyant le film en version longue ça serait un peu comme bouffer une purée dégueulasse et espérer reconnaître le goût des patates en se bâfrant en plus les épluchures !
Les pieds dans la semoule et le nez dans les biftons McG réalise en regardant ailleurs, probablement satisfait de l'inertie de la machine hollywoodienne. Résultat c'est passé au dessus de la casserole, ça colle aux semelles et c'est tout moche. Celui qui a eu l'idée de désaturer l'image peut aller se pendre, il restera toujours le gaz pour celui qui a eu l'idée de foutre un filtre bleu là dessus !
Passée l'introduction dans laquelle McG s'est dégorgé le poireau avec un plan séquence pirouette à la Children of Men (en moins gracieux, moins intelligent et moins virtuose) sa mise en scène est aussi plate qu'une pizza sans garniture. Dépassé, fainéant ou tout simplement incapable, ce marmiton n'essaye jamais rien, n'arrive jamais nulle part et semble pas être capable d'autre chose que de remplir son film par des citations et des clins d'oeil. Chaque morceau de bravoure étant cuisiné avec divers morceaux empruntés ici et là... Connor devant la cité Skynet tel Frodon devant le Mordor ou le final copie conforme d'Alien3, ou de T2 je sais plus... Mais c'est lors de la scène la plus spectaculaire du film qu'on racle les fonds de casseroles de l'inspiration. En moins d'un quart d'heure on nous balance La Guerre des Mondes (Robot géant, pêche aux humains et bruitages ad hoc), Transformers (le robot géant et ses motobots) et Mad Max 2 (camion citerne, gamine et plans photocopiés) Alors je veux bien que le cru de Spielberg l'ait impressionné, qu'il ait voulu se mesurer au pâté numérique de Bay et que le troisième ait été goulûment cité par Cameron lui même comme influence mais bon, à ce niveau là "citation" s'écrit "plagiat". C'est étonnant de voir que du ciné US le plus dispendieux jusqu'aux prods françaises les plus cheapos, on ne fait que déglutir un cinéma digéré depuis des années... Avec un tel niveau de consanguinité j'entend déjà l'industrie du ciné US nous sortir son banjo pour nous jouer un p'tit air !
Au delà du déjà vu, ce qu'on a se mettre sous la dent est famélique, à l'image du décors désertique du film. Aride. La base des résistants ? Trois pauvres tentes et deux couloirs. (McG fera pourtant exploser des mines, une roquette dans un tunnel, des grenades et passera tout le décors aux alentours au napalm). Les villes détruites ? Une scènes ou deux dans une rue en ruine... (McG fera pourtant péter un immeuble entier, comme ça, gratuitement). Le reste est torché dans le désert. Les résistants du monde entier sont à l'écoute de la voix de Connor ? Un plan sur des gars dans une forêt en plastique... Roland Emmerich l'européen aurait filmé des chinois sur la muraille de Chine, des Africains dans le Sahara et des français avec des bérets devant une Tour Effeil en flammes. Mais McG est américain alors pour lui le monde connu s'étend sur une zone de 300 kilomètres autour de Los Angeles !

Fidèle à l'axiome qui veut que moins il y a d'idée, plus il y a d'explosions, tout ce que se contente de faire McG c'est de laisser ses potes du département pyrotechnique tout faire péter ! Les 200 millions de budget c'est essentiellement pour l'essence ! Tourné au Qatar le film n'aurait pas coûté plus cher qu'un Bruno Mattei... C'est bien simple, il y a plus d'explosions dans ce film que de lignes de dialogues dans un Woody Allen, mais il y a trois fois moins de morts que dans un prime de Plus Belle La Vie... C'est tellement assourdissant que le spectateur rendu sourd et complètement abruti par cette tonitruante bande son doit saucer ses neurones pour tenter de démêler un imbroglio scénaristique totalement loufoque siphonné par trop de paradoxes temporels et ruiné définitivement par les innombrables bourdes d'une paire de scénaristes absolument pas concernés par la choucroute (et déjà responsables entre autres de l'inénarable scénar de l'estomaquant Catwoman). Je mets au défi ceux qui ont vu le film de raconter l'histoire à leur entourage et d'observer les mines déconfites, hilares ou perplexes qui apparaîtront lorsque vous expliquerez que Marcus un condamné à mort se fait transformer en cyborg en 2010, il se réveille en 2018 mais le con calcule pas qu'il est une machine... il va rencontrer le futur père de Connor comme ça pouf pouf par hasard et puis finalement il ira rejoindre la résistance grâce à une copine de Connor qu'il rencontre aussi par hasard, ensuite Connor il veut le tuer parce que c'est un cyborg, mais la meuf elle sait qu'il a un coeur, parce que c'est comme ça, les filles c'est romantique elles sentent ce genre de truc. Connor c'est un chef qui a joué batman alors il fait sa grosse voix mais finalement le cyborg il lui dit que c'est les machines qui ont son futur papa, alors il part chez skynet à pied. Connor aussi il part là bas mais en moto, il arrive donc un peu après. Marcus papote avec la conscience de skynet, un peu comme quand ta clé usb et ton disque dur externe tapent le carton, mais finalement il se rebelle lorsqu'il apprend qu'il a été manipulé pour que les machines infiltrent la résistance afin de remonter le signal d'attaque pour détruire un sous marin, de rage, il enlève alors sa puce qu'il a dans le cul et choisit d'être un humain parce qu'il a un coeur tu vois (les machines elles en n'ont pas normalement). Connor arrive, vu qu'il est dans le repaire de Skynet qui l'a attiré pour le tuer il bute plein de terminators, un ou deux, puis tout le monde se sauve en faisant tout péter. Connor est presque mort heureusement car Marcus en a gros sur la patate parce qu'il a tué son frère et deux flics (son frère c'était pas assez, il fallait rajouter les deux flics... Dans la version pour le moyen orient j'imagine que Marcus a en plus mangé du jambon !). Il va ainsi pouvoir accomplir sa salvation en offrant son petit coeur (fracassé par un T800 la bobine précédente) à John Connor pour une transplantation dans une unité médic qui ressemble à l'infirmerie de la première saison de Deadwood...

Voila donc le fourre tout de Terminator 4 aux enjeux débiles et mille fois réchauffés, les mêmes histoires servies inlassablement avec à chaque fournée ses propres décors et ses propres personnages franchisés. Passionnant comme un pamplemousse sous vide air. Fascinant comme jouer avec M. Patate...
Dans cette soupe de caca, il ne faut pas s'étonner que les croûtons aient des goûts de chiottes. Mis à part les deux personnages principaux interprétés par deux bovidés, les autres personnages restent sur le bord de l'assiette. Michael Ironside vient cachetoner comme s'il faisait une courte apparition dans un obscur Z italien, Kate (Mme Connor) n'est là que pour servir les plats, pleurer sur deux scènes et faire sortir la punch line de Connor... A croire que son personnage n'est présent que pour un souci de continuité.
Les autres autour plombent le récit ou le rendent totalement hors sujet mais ils permettent une identification confortable pour toute la famille américaine. On retrouve donc les éternels "pote black" sympa mais à qui faut pas la faire forcément incarné par un rappeur, la bimbo cool à grosses loches un peu garçon manqué mais tellement romantique (Moon Bloodgood, tellement refaite à 33 ans qu'on dirait un CGI), la vieille dame bienveillante et pétrie de bon sens avec toujours un bon conseil vissé au coin du bec qui se retrouve à servir le thé à la fin de la bataille (Tante May, sors de ce film bordel !) et puis il y a la petite fille Noire, choupie comme tout, sage mais malicieuse, celle vers qui on se tourne à la fin en rigolant, pouce en l'air parce que c'est elle qui a le détonateur et dont le rôle se borne à nous reservir une version propre et bien élevée du Feral Kid de Mad Max 2...

Franchement, ceux et celles qui s'extasient devant ce film manufacturé comme une vache qui rit devraient se pencher sur l'écriture de ces personnages avant d'en vanter les mérites. Pour moi ils sont comme ces gens qui se déclarent "amateurs de fromage" mais qui te vantent la forme dynamique, la coque chatoyante et le goût fascinant du Babybel ! Au fond c'est parce que j'aime le fromage que je conchie ce Terminator Savonnette... Et que je conchie les inconscients comme moi qui tant qu'ils iront voir des bouses pareilles ne doivent pas s'étonner qu'elles soient produites !

Un petit épilogue pour résumer :
On a évité : Marcus lançant "hasta la vista baby" à l'ordinateur avant de le casser
On a pas évité : Guns'n'Roses
On a évité : Marcus avec des lunettes de soleil dans un bar avec Bad to the bone
On a pas évité : la gueule à Schwarzy
Mais on a évité de nous montrer sa bite (pour le coup le film est moins culotté que l'adaptation de Watchmen)

jeudi 9 avril 2009

VINYAN


La production française a décidemment un gros problème avec le cinéma fantastique et d’horreur. Après le gros échec de la boite de production Bee Movies qui lança entre 2001 et 2002 le molasson Jeu d’enfant, le navrant Bloody Mallory et l’agréable Maléfique, on vit débouler sur nos écrans des films foutraques tentant le grand écart consistant à séduire à la fois les fans du genre par l’intermédiaire d’une très onaniste générosité et à la fois un grand public qui pourrait se laisser tenter par une réponse hexagonale aux productions yankees.
Produits dans la douleur et à peu de frais par des réalisateurs "nouvelle génération" qui nous disent que l'existence même de ces films tient du miracle, ils se sont bien vite mis à couiner à qui voulait l’entendre qu’ils étaient forcément victimes d’une censure qui ne veut pas dire son nom, d’un dédain bourgeois de l’establishment et du refus des distributeurs de laisser exister leurs films dans un circuit de salles convenables. Sans se douter que si leurs films sont boudés du public c’est peut être aussi parce qu’ils sont incroyablement mauvais, référencés à mort et sans aucune proposition intéressante. Leurs histoires tentent des resucées qu’ils espèrent correctes de ce qu’on voit depuis déjà 35 ans.
C’est malheureux mais depuis quelques années, être fan de film d’horreur en France (je laisse le terme geek aux gamins de 14 ans, ça les amuse) c’est carrément un acte de foi, une sorte de passion pentecôtiste où il semble qu’il faille se faire humilier et frapper par l’objet même de son adoration. Les messages dithyrambiques qui s’alignent dans les forums à propos des films de Snyder ou Laugier ressemblent pour moi à ces processions d’illuminés qui parcourent des kilomètres en se fouettant le dos. Le sourire béat vissé sur leurs faces ébahies ainsi que le style passionnel de leurs témoignages gravés dans la roche du 2.0 nous montre qu’ils ont abdiqué toute rationalité et rappellent aux yeux des incrédules qu’un croyant est prêt à gober n’importe quoi, tant qu’il a la Foi. Catalysés par les trompettes de l’autocélébration d’une presse spécialisée, ils se couchent devant les prophétiques sentences qui s’étalent chaque mois en couverture de Mad Movies ! A l’intérieur : Traumatisme de l’année 2007 (n°197). Martyrs : L’électrochoc du cinéma français (n°210). Vinyan : L’expérience ultime (n°211).
Hérétique que je suis, après avoir été banni du forum Mad Movies me voilà condamné à errer comme un paria, fouinant les salles obscures pour y trouver une nouvelle victime sur qui cracher les molards de ma gluante arrogance censés irriguer les coliques de mon impuissance dans laquelle se dépose le limon immonde de ma frustration. C’est donc sur Vinyan que ma carcasse suintante de haine jeta son dévolu l’autre soir. Loupé en salle, c’est sur le dvd de cette (nouvelle) expérience (forcément) ultime que je poserai l’œil torve de mon mépris. Du cloaque repoussant qui sert de niche au chien d’infidèle que je suis, je sais bien que Calvaire, le premier film de Fabrice du Welz, avait des atouts indéniables, et même si je n’avais pas vraiment aimé le film, j’avoue avoir été séduit par des acteurs intéressants et surtout par la sublime photo du chef opérateur Benoît Debie. Hélas, loin de concrétiser son premier essai Fabrice Du Welz a réajusté le tir pour faire feu à l’unisson de la médiocrité ambiante… Se défendant probablement de faire partie de la même engeance en portant un regard très sérieux sur son cinéma, il ne fait que nous rendre sympathique la joyeuse nullité potache de ses camarades.
Vu que j’ai quelques lignes devant moi, et que c’est plus qu’il n’en faut, résumons l’intrigue.
Janet et Paul ont perdu leur fils dans le tsunami du côté de Phuket et n'ont pu se résoudre à quitter la Thaïlande, Janet n'acceptant pas l'idée du deuil. Un soir elle croit le reconnaître dans un reportage vidéo sur les orphelinats birmans. Elle persuade alors son mari qu’il faut partir à sa recherche. Ils s'en vont donc avec un passeur mafieux sur la mer birmane et se perdent dans la jungle. Au fur et à mesure que Janet sombre dans la folie, des gamins boueux déboulent de toutes parts, sorte de portée cauchemardesque de la mère multipliant son fils à l’infini et qui finira par tuer le père coupable à ses yeux d’avoir abandonné leur enfant. La dernière image c’est les bambins tout crottés qui pelotent Janet, en transe et à moitié à poil.
Du Welz aurait eu du cran, on les aurait vu téter les mamelles d’Emmanuel Béart mais le spectateur restera déçu d’être devant un film de Du Welz, et non devant un film de Cronenberg, ou de Mattei…
Alors si Laugier avait au moins fait l’effort de recopier une définition de 4 lignes trouvée sur wikipedia pour écrire le scénario de sa leçon de philo pour gamin de 12 ans (Martyrs), Du Welz lui ne va même pas faire semblant d’écrire un script et limite ses dialogues à 2 lignes pour Béart et une pour Sewell :
-C’est Joshua (Béart)
-Non c’est pas lui (Sewell)
-Tu l’as laissé partir (Béart) (à répéter ad lib)
Alors bon, c’est sûr que c’est un peu court pour caractériser des personnages, mais, nous dit-il à longueur d’interview, ce n’est pas ça qui l’intéresse, ce qui le passionne c’est d’expérimenter. Ex-pé-ri-men-ter. « Ce qui m’intéresse le plus dans le cinéma c’est le style des réalisateurs, et j’essaie d’en avoir au maximum » se justifie t’il pour préférer se regarder filmer plutôt que de prendre le temps de nous raconter une histoire. Parce qu’avec un script inexistant aux enjeux totalement évidents et sans ambiguïté, Du Welz n’a comme excuse pour enfiler ses tentatives formelles, qu’une vaine déambulation. Ca ne semble pas le freiner et ses « expérimentations » se succèdent stérilement pendant une longue heure et demie, nous secouant nerveusement chaque idée comme un hochet pour être bien sûr que le spectateur a bien saisi à quel point il avait du style. Il voudrait avoir la classe mais ça n’est qu’agaçant, un peu comme un morveux qui vous tire la veste pour vous montrer ce qu’il sait faire avec son nouveau jouet. Couper le son lorsque Béart met la tête sous l’eau puis le remettre lorsqu’elle la ressort c’est marrant, mais au bout d’un moment ça devient un peu appuyé, puis redondant et finalement complètement idiot car totalement vain. On peut penser au gag « jour/nuit » des Visiteurs, ou à celui des poulets dans OSS 117. Une superbe expérimentation qui ferait surement rire Jacquouille la fripouille ! Je vous rappelle que c’est pour ce genre d'astuces que Du Welz semble penser n’avoir pas besoin de scénario. Comme il le dit lui-même « mes choix de mise en scène je les ai faits de manière radicale », et capricieuse ajoute le spectateur…
Parce qu’ici, du fond de notre trou, on a plutôt l’impression de voir un réalisateur qui se la pète mais qui n’a rien à dire, et qui a la prétention de croire que son « style » fera la différence en créant un sens à une histoire rabâchée.
Le début du film est à ce titre éloquent : après avoir bazardé les scènes d’exposition sans laisser le temps au spectateur de se familiariser avec le couple endeuillé, Du Welz préfère nous noyer dans une longue scène éprouvante dans les bas fonds de Phuket citant explicitement Noé avec gros plan sur masturbation et détour systématique sur toutes les poitrines qui passent dans le champ de la caméra. Ça se veut immersif et provoquant, c’est juste d’une effroyable vulgarité. Une vision de beauf de la Thaïlande… Évidemment tout le monde a compris que Béart à la recherche de son passeur cite la quête du Ténia dans la boite de nuit d’Irréversible, mais appeler « expérience » une redite formelle déjà vu chez un autre réalisateur qui a le même chef op’ c’est un peu se foutre de la gueule du monde. Ici on est loin du talent de Noé puisque chez ce dernier les acteurs sont dirigés, ils brillent au sein d’une mise en scène élaborée. Du Welz, lui, semble se contrefoutre de diriger quoique ce soit et qui que ce soit faisant tomber à plat ses scènes censées être « chocs ». Que ce soit les masques en caoutchouc des gamins lors du cauchemar, les enfants qui rient ou la vieille qui flippe, on est à chaque fois loin de l’inquiétante étrangeté voulue. On est plutôt dans la redondance d’effets évidents et déjà vus qui choquent juste par l’amateurisme évident de protagonistes tentant de faire transparaître des émotions avec une finesse toute pornographique.
Avec tout ça à l’écran, il ne faut pas s’étonner qu’on pouffe devant le final où des gamins prenant la pose dans un placement très esthétique, donc évidemment artificiel, viennent éviscérer le père dans une scène inutilement outrancière donc ridicule.
A un moment le fils défunt apparaît à son père pendant son sommeil, le père se lève et l’enfant fuit, alors le père se lève pour le suivre mais l’enfant ne s’arrête pas de fuir… C’est tellement évident, tellement vu et revu qu’on pensait ce genre de scène désormais réservées aux sitcoms ou aux parodies. C’est odieux de faire jouer ça à des acteurs, c’est indigne de le proposer à des spectateurs.
Au milieu de tout ça, la descente aux enfers du couple ne subit aucune évolution, juste une impression que ce dernier avance de temps en temps lorsque le film s’y intéresse, même si c’est pour tourner en rond. Le chemin morbide d’Aguirre ou la déshumanisation de Willard dans Apocalypse Now existent au travers de personnages forts, évoluant dans un univers oppressant. Ici le seul chemin parcouru c’est celui du spectateur qui s’éloigne petit à petit de protagonistes dont il n’a jamais partagé le chagrin. Rufus Sewell tente ce qu’il peut et il a beau y croire, il n’a pas grand-chose pour sauver son rôle. Emmanuelle Béart, elle, transforme son personnage en une folle hystérique et son jeu en roue libre n’arrive à sortir le spectateur de l’ennui que pour l’horripiler. Les autres protagonistes sont laissés en cours de route sans qu’ils n’aient servi à quoi que ce soit si ce n’est mettre quelques croûtons dans le bouillon marécageux d’un script bâclé.
Il reste le décor : la Thaïlande. Et si Du Welz ne jette pas un œil très intéressé sur ses habitants (mis à par sur les formes avantageuses des putes de Phuket), il n’a pas l’air pour autant de s’intéresser à la nature, au-delà de quelques plans carte postale. L’oppression progressive de la jungle comme expression de l’isolement psychologique des deux personnages et la descente d’un fleuve comme métaphore de la perte d’humanité et d’entrée dans un nouveau monde onirique, tout ça semble évident mais reste au seuil d’un traitement digne de ce nom, à l’instar du sur-place psychologique des protagonistes.
Le tsunami n’est qu’une excuse scénaristique bidon n’existant que comme prétexte initial. Pourtant le traumatisme d’un couple au travers du traumatisme d’un pays ravagé semblait pouvoir faire un film fort, il n’en est rien. C’est bien beau de se trouver « radical », mais sans rigueur au niveau de l’écriture c’est le désastre artistique complet, et en allant plus loin en lisant les déclarations satisfaites de Du Welz c’est un naufrage détestable.
Ceci dit Du Welz est content d’avoir pu tourner en Thaïlande, parce qu’au moins là bas tu peux filmer des enfants placés « à plusieurs mètres du sol dans les arbres, des choses inconcevables en France. Là bas, tu peux travailler quinze heures durant avec des gamins dans la jungle sans être emmerdé » dit il à Mad Movies qui salue là « une franche liberté permettant à Du Welz et son équipe d’avancer tels des guérilleros du cinoche »… Sans commentaire.
Vinyan ? Un vrai calvaire.

dimanche 29 mars 2009

WATCHMEN


Réputé inadaptable le gros pavé d’Alan Moore et Dave Gibbons est passé ces 20 dernières années entre les mains de Terry Gilliam le poissard, dans celles de l’épileptique Paul Greengrass ainsi que dans celles du volatile Daren Aronofsky sans qu’aucun d’entre eux ne parviennent à aboutir à un quelconque résultat. Pendant ce temps là d’autres loustics se chargèrent d’adapter d’autres livres à l’écran et les films issus de l’univers de Moore se mirent à squatter les salles obscures avec une régularité horlogère que n’aurait pas renié Osterman père. Résumons pour les étourdis : 2001 From Hell (des frères Hugues), 2003 La ligue des gentleman extraordinaires (de S. Norrington), 2005 Constantine (de F. Lawrence) et en 2006 les frères Wachowski produisent V pour Vendetta réalisé par J. Mc Teigue. C'est un film tous les deux ans mais c'est surtout un sans faute indéniable dans la médiocrité absolue, contrastant sans vergogne avec la qualité de l’œuvre pillée !
Réputé inadaptable Watchmen l’était, enfin il l’était jusqu’à ce que l’un des tâcheron les plus détestable de notre époque s’en empare et que sous le poids de la propagande commerciale ce kidnapping devienne un événement. « Par le réalisateur visionnaire de 300 » clame sans honte l’affiche hideusement photoshopée de cette sombre forfaiture. Snyder catapulté réalisateur visionnaire après la tape à l’œil et sans intérêt Armée des morts et la fresque foireuse comme un pet aux fibres que fut 300 c’est déjà, avant toute chose, une sacrée plaisanterie. Au moins, on ne pourra pas dire qu’on n'était pas prévenu et c'est motivé par une curiosité sacrément malsaine qu'on se traina un soir dans une salle obscure pour contempler ce Watchmen qui déchaîne les passions et fait s’entredéchirer les geeks jusqu’au prochain nonosse qui leur sera vendu. Nous nous sommes donc tartiné pendant 2h40 de la bêtise, de la vulgarité et du cynisme d’un des réalisateurs les plus néfastes et les plus cons de sa génération : Zack Snyder !

Alors qu’en est-il de son nouvel opus ? Je dois avouer que c’est quand même un peu moins mauvais, un peu moins con et un peu moins moche que 300 qui avait placé la barre assez haute dans la nullité et la misère visuelle la plus totale. Snyder adaptant la BD de Miller le gros réac, c’était quand même un chouia pompier et ça faisait un peu ton sur ton. Ce coup ci, Snyder a un atout de poids : une histoire forte et complexe à adapter, en tout cas un peu plus complexe et un peu plus maline que la quête de ses 300 têtards bodybuildés à l’aérographe éructant des wahou gutturaux devant des monstres en CGI. Bon, il a ce coup ci l’avantage de ne pas avoir eu besoin de se poser de questions, encore moins de questions sur la mise en scène, ayant le découpage dynamique de l’œuvre de Gibbons et Moore comme béquille, voir même comme fauteuil roulant tellement Snyder en gros fainéant se laisser trimbaler paresseusement par le livre. Pourquoi se faire chier alors que le travail semble déjà tout prémâché et qu’on peut ainsi montrer sa mine réjouie et ses casquettes de la NRA sur les plateaux de télé du monde entier en clamant son adoubement au livre original ?
C’est pitoyable, et misérables sont ceux qui mangent de ce pain là.
Dans cette démarche de reconstitution animée des cases de Gibbons, certaines idées visuelles semblent fonctionner, c’est indéniable, d’autres beaucoup moins et elles sautent aux yeux. Le casting est dans le même esprit et pour un ou deux bien choisis (Rorschach et le Comédien par exemple) d’autres sont au mieux à côté de la plaque (le lumineux Ozymandias laisse la place à un sous Batman digne d’un Schumacher des années 80 donnant une touche grotesque et fofolle à un personnage pourtant voulu comme sérieux et intriguant) au pire totalement hors sujets (le Spectre Soyeux est censée être une femme d’une quarantaine d’années bien tassées qui regarde son passé avec amertume, elles est donc jouée par une gloussante suédoise de 30 balais).
Au niveau de la mise en scène, c’est la médiocrité crasse, le manque total d’investissement intellectuel et l’absence vertigineuse de point de vue, tout ça rendant inévitablement le film inintéressant et surtout jamais intriguant. Ce qu’on voit à l'écran n’est acceptable que lorsque la réalisation se borne à n’être que bêtement illustrative. C’est paradoxalement lorsque Snyder est le plus bête qu’il est le moins mauvais, car lorsqu’il commence à réfléchir et à nous proposer un cinéma plus personnel, lorsque le « réalisateur visionnaire » a ses fameuses visions, on sombre dans un ridicule achevé, celui qui fait triper les fans décervelés du réalisateur, hypnotisés par trois pauvres astuces visuelles surannées. On a déjà beaucoup glosé sur la scène de cul ou sur les ralentis (patte ultime du maestro) censés renforcer le sentiment de violence alors qu’ils la désamorcent systématiquement en faisant ressembler n’importe quelle baston en pub pour shampoing (les chorégraphies du Spectre Soyeux ont étées particulièrement travaillées au niveau capillaire, surement parce qu'elle le vaut bien !).
En gros, parions que si on refilait le pdf de la BD et une imprimante couleur à Snyder, on se retrouverait avec un truc imprimé de travers avec des prospectus publicitaires coincés entre les pages. Ce type est un danger pour le cinéma, pour la bande dessinée et pour la culture en général. Snyder, Pitof et Gens sont sur un bateau, le bateau coule qui est sauvé ?
Le cinéma de genre…

Watchmen le livre, outre les différentes mises en abîme qu’il propose, est une bande dessinée sous influences, notamment cinématographiques (This island earth entre autres). Snyder a compris qu’il aurait tout à y gagner à faire de même, mais si les citations choisies par Moore approfondissent le propos, celles de Snyder restent à un niveau purement ludique, bêtement gratuites. Des associations d’idées sans aucun sens.
Parce que les rares fois où il s’arrête de suivre bêtement le story board de Gibbons, Snyder le visionnaire reproduit ce qu’il a déjà vu et aimé et qui semble rentrer dans son film, sans se poser la question du sens que ça donne. Là aussi, ça semble avoir été fait au petit bonheur la chance et là encore le résultat est plus qu’inégal. Citant à chaque fois que l’occasion lui est donné ses films préférés Snyder régurgite avec une finesse de Spartiate Blade Runner et Taxi Driver pour rendre plus cool Rorschach se trimballant sur le pavé mouillé d’une grande ville déshumanisée. On parle de menace nucléaire ? Il cite évidemment Dr Folamour au décor et au cadre prêt produisant une véritable photocopie des plans du film de Kubrick. Mad Max 2 (2 scènes en boucle) et 1984 sur le mur d’écran d’Ozymandia. Amusant tout ça, mais tellement vain. On va au Vietnam tuer d’immondes cocos lors d’une scène d’une hilarante ringardise ? Et c’est bien sûr la Chevauchée des Walkyries qu’on nous sert, pourquoi diable aller plus loin ? Aucun sens à chercher à part celui de la citation populaire évidente à laquelle n’importe quel spectateur pourra s’accrocher, ayant l’impression de saisir toutes les finesses d’un film qu’on lui présente comme complexe et original. Snyder fait feu de tout bois, le propos de Moore devient imbécile, son film séduit l’égo du spectateur qui reconnaîtra la référence et il réduit Apocalypse Now à un unique gimmick privant le film de Coppola de toute signification et le réduisant à une vulgaire astuce. Snyder c’est une telle catastrophe que je suis sûr qu’un jour Roland Emmerich tournera un biopic sur lui !
Snyder est un ambitieux et ça ne lui suffit pas de faire du cinéma de cons, il faut qu’il réduise ce qu’il adapte et ce qu’il cite à son niveau de têtard ahuri. Et pour ce faire il va flatter l’égo du spectateur en le caressant dans le sens du poil et en lui servant des idées aussi démagogiques qu’évidentes pour le prendre par la main et lui susurrer aux oreilles avec toute la finesse offerte par le thx ultraboombass « regarde comme tu es intelligent tu as reconnu ici Andy Warhol, là Kennedy etc etc etc… »
Au final ces gadgets visuels distraient l’assistance qui pendant qu’elle s’amuse à reconnaître telle ou telle référence n’a pas le temps de penser au sens de ce qu’elle voit. Le traitement de la crise nucléaire a beau être réglé en deux scènes complètement pourries, sans enjeu et sans tension dramatique, il reste pourtant l’amusante représentation iconique. De l’esbroufe, ni plus ni moins. De la merde.
Pour être honnête et comme je le disais plus haut certains choix semblent judicieux et même un me semble carrément malin. Une sorte de joyaux dans une cuvette de merde, un peu comme si on regardait son chien se soulager sur le trottoir et qu’on distinguait, d’abord intrigué puis carrément ahuri, un objet précieux dans les selles de l’animal qui au milieu de sa pâté indigeste aurait avalé un quelconque trésor. On se penche et on hésite car on est réticent à mettre les mains dans la merde pour dégager la pépite, surtout en public. Tant pis, j’y fourre mes mains et c’est avec une certaine honte que je me sens obligé de dire que le choix de la musique de Koyaanisqatsi, le chef œuvre contemplatif de G. Reggio, est une idée fort intéressante. L’observation décalée et cynique du monde des humains de ce film semble bien correspondre au caractère du Doc Manhattan au point même que la phrase du livre « Serait-ce embelli avec un pipeline ? » qui est reprise dans le film propose, par l’utilisation de la musique de Glass, une étonnante correspondance avec le film de Reggio...

Pour le reste, le renoncement intellectuel est total. L’exemple le plus flagrant est le traitement de Rorschach. Si Snyder filme consciencieusement (à défaut de fidélité) le jeune Walter Kovacks mordant son agresseur à la joue, il oublie que les taches du test de rorschach sont un symbole et que dans la tache il voit sa mère se prostituant avec un client, que le fruit mûr éclaté sur sa face dessine son masque et que sa naissance en tant que super-héros se retrouve dans la tache du crâne éclaté d’un chien. Sans forcément demander à ce que Snyder respecte la structure symétrique du récit, passer tout ça sous silence c’est juste comme s’il pissait directement sur ce qui faisait l’essence même du récit polysémique (ce mot que personne ne connaissait il y a 2 mois est devenu très à la mode) de Moore pour n’en garder que les oripeaux les plus colorés.
Le refus de toute ambiguïté et de toute complexité ainsi que l’impitoyable formatage hollywoodien transforment tranquillement le propos subversif de Moore en quelque chose d’insidieusement détestable. Du renoncement on passe ainsi au détournement pur et simple. Les super héros de Moore sont d’anciens vigilantes réactionnaires, travaillant pour une cause ultra patriote et luttant contre le libéralisme des sixties. En 1985 ils ont leur vie derrière eux et le récit jette un regard désabusé sur leur œuvre, le rêve américain et leur culture. Snyder présente lui ses héros comme de simples portes mentaux avec des costumes bien lisses, et qui n’existent qu’autour d’une ou deux caractéristiques les associant au nouveau courant de ces super héros dits post modernes . Le hibou est une sorte d’ectoplasme impuissant, le Spectre n’est qu’une dinde souriante qui n’existera qu’au travers d’une scène où la véritable identité de son géniteur sera évoquée. Le fait que ces personnages aient flirté avec l’extrême droite, qu’ils soient soutenus par la presse populiste et qu’ils soient détestés du peuple passe tranquillement à l’as. Et Snyder ose nous dire qu’il est là pour respecter le point de vue de l’auteur… Que seul le Comédien endosse le rôle du méchant (« c’était presque un nazi ») et que ses compagnons soient les héros confortables d’un film résolument grand public ne trouble personne et surtout pas Snyder qui doit trouver ça cool, vu qu’il est pote avec des fachos comme Miller ou Milius… Que le Hibou laisse Rorschach torturer un homme entérine juste le dicton qui veut que la fin justifie les moyens. Utilisé dans le film uniquement comme un mécanisme pour faire progresser l'histoire ce genre de détail créé juste un véritable contresens avec les intentions de l'auteur. Snyder encore une fois a du trouver ça cool...

De quoi parle le film alors ?
A l’instar des personnages qui n’existent que par leurs costumes, l’histoire n’existe que par son intrigue. Le sujet se rétrécie donc à la simple résolution de l’énigme : Qui donc tue les masques ? A la fin on le sait et hop le film est fini. Rideau. On tire la chasse.
Et là où le livre proposait une fin audacieuse, le besoin de resserrer un matériau trop riche conduit Snyder et ses scénaristes à nous raconter n’importe quoi. Plutôt que de craindre une menace extra terrestre, Snyder préfère donc que l’humanité soit solidaire dans sa crainte de Dieu, surtout si celui-ci est américain (et même si c’est une supercherie, et même si il ressemble à un schtroumpf géant qui se balade la bite à l’air). A un tel niveau de trahison, l’équipe du film mérite le même mur que celui où l’équipe de I am Legend aurait du être exécutés.
Watchmen ainsi dépouillé n’est plus qu’un squelette sur lequel la machine hollywoodienne enrobe à coups de millions de dollars un spectacle calibré qui fera illusion en remplissant le cahier des charges habituel : des combats violents, quelques effusions gores, un peu de sexe et pour la caution rebelle bad ass un ou deux pseudos tabous qu’on transgresse (la femme enceinte abattue, le nu frontal) oubliant bien vite que des films allant bien plus loin ont toujours existé et qu’on a là quelque chose d’aussi authentique qu’un Mac Do au pain complet.
Au final la plus grosse arnaque n’est pas le plan d’Ozymandias mais plutôt celui de Snyder, de sa production et des décideurs qui financent ce genre de merde. On a lu un peu partout les plaintes des uns et des autres accusant Snyder de n’avoir rien adapté et d’avoir fait au livre ce qu’on faisait autrefois aux films : une sorte de novellisation à l’envers. Ce n’est pas si vrai que ça. Il y a eu un véritable travail d’adaptation, parce qu’au final ce qui est important ce n’est pas adapter le discours de Moore, ou d’appliquer au cinéma ce qu’il disait sur la BD, l’important c’est d’en faire un machin manufacturable. Un produit lisse, un outil commercial permettant d’engranger des profits là où auparavant il n’y avait rien en profitant des fondations qu’offre une œuvre originale pour faire jaillir une nouvelle franchise. Au final ça ne reste qu'un alibi pour que les gens restent assis à ingurgiter du pop-corn par seaux entiers…
C’est la même démarche que pour le remake honteux de Zombie dont il n’avait retenu que l’équation Zombie = morts vivants + supermarché. Sans s’intéresser à ce qui faisait la moelle du film de Romero.
Il est évident que celui qui n’a pas lu le livre verra dans le film un blockbuster ayant l'apparence d'être moins débile qu’à l’accoutumée, mais ce n’est pas que c’est mieux, c’est surtout que le reste du temps c’est désespérant et qu’il n’y a même pas une béquille solide à tordre. De la culture prémachée destinée à un public qui avale les films au rythme de ses cocas.
On en vient à se demander si ces bâtards prennent leur pied à massacrer les chefs d’œuvres de la contre culture des 70’s ou des 80’s pour les forcer à rentrer dans leurs schémas idéologiques réactionnaires ou si c’est uniquement dans un but de rentabilité immédiate qu’on standardise des œuvres originales en savonnettes ?

Pour moi la conclusion de tout ça sera toute simple : Pour 2011 notre réalisateur visionnaire prépare une suite à 300 qui sera basée sur un nouveau projet de Miller… 300 2. Quelle misère, m’enfin tant qu’il laisse tranquille ce qui existe déjà…

mardi 20 janvier 2009

MESRINE : L'ENNEMI PUBLIC N°1


Thomas Langmann, le producteur du film, y tenait comme à la prunelle de ses yeux, son Mesrine devait se décliner sur deux tableaux car il lui semblait évident que le matériel à traiter était suffisamment riche. Le risque commercial assez lourd de cette entreprise ne suffit pas à le faire flancher, il y aurait bien deux films pour raconter l’Histoire.
Le premier, on l’a vu y’a quelques temps, est sûrement l’un des plus gros ratage de l’année, un truc tout nul qui faisait honte une fois de plus au cinéma français alors qu’au même moment l’Allemagne proposait Baader Meinhof Komplex et l’Angleterre Hunger. Je ne reviens pas dessus, écriture bricolée n’importe comment, interprétation en roue libre et à intérêt porté au sujet (Mesrine, montée dans le gangstérisme, années 60 et 70) totalement absent… Mais c’est sûr que j’étais un peu fébrile lorsque la conclusion de ce diptyque déboula sur nos écrans précédé d’une rumeur insistante : il serait, parait-il, moins bon que le premier ! Alors là, franchement, j’avais du mal à comprendre, car à part refiler la caméra à José Dayan je ne voyais pas trop comment Jean François Richet, son scénariste Abdel Raouf Dafri et Vincent Cassel auraient pu faire pire que le spectacle sinistre de L’instinct de mort qui suintait d’une telle médiocrité que je préfère penser que la motivation artistique des auteurs se résumait simplement à de la misanthropie.
Alors oui, je ne faisais pas le fier lorsque les lumières se sont éteintes, une catastrophe est forcément beaucoup plus anxiogène lorsqu’on l’attend que lorsqu’on se fait surprendre ! Mais au bout du compte c’est quelque peu surpris que je sorti de la salle en cette froide soirée de Décembre. Car si le film était indubitablement un navet de la pire espèce, une sorte d’horreur cinématographique qui ne mérite tellement pas de porter son nom qu’on l’aurait cru pensée par Lovecraft, une honte infligée au spectateur et qui ne doit son existence qu’au fait que la pellicule n’a pas conscience de ce qu’elle doit porter, une abomination artistique de l’espèce de celle qu’on aimerait aussi rare que le yeti, une supercherie indigne même de figurer dans la collection « mystères de l’humanité » des éditions atlas, une lumière honteuse qui fait décoller le papier peint des salles où elle se pose… Bref, même si c’était vraiment pas terrible, c’était toujours moins nul que le premier. Car s’il n’y avait strictement rien à sauver de L’instinct de mort qui plongea votre serviteur calé dans son fauteuil écarlate dans une confortable consternation formolée, L’ennemi public numéro 1 arrive tout de même à proposer une ou deux idées judicieuses. Profitons en, celles-ci sont plus rares en quatre heures de métrage que les poissons sains le sont dans le Rhône.
D’abord au niveau de l’interprétation, Amalric dans le rôle de Besse c’est plutôt chouette reconnaissons le, même si, en face des pantalonnades de Cassel, son jeu unilatéral et son regard de ouf tirent parfois le film vers un style improbable, sorte de remake de Maniac tourné par Max Pécas. Ensuite, le choix de Gérard Lanvin dans le rôle de Bauer était également le bon, et sa prestation (qu’on sent bien dirigée par Bauer lui-même) est plutôt réussie. Mis à part un problème d’âge évident (Lanvin, même s’il est réaliste, semble camper un Bauer trop vieux) c’est vraiment « la » bonne surprise du film, même s’il est évident qu’il ne sert à rien et que ses trois scènes restent purement décoratives et n’ont aucun sens dans l’ensemble. Venant de nulle part Bauer passe finalement comme les autres personnages qui n’existent que lorsqu’ils sont à l’écran, mais sans avoir plus de consistance que les décors, les accessoires ou les flash TV. Ils n’ont tous qu’une seule utilité, ne passant par là que pour répondre à Mesrine, le faire exister. C’est leur seule fonction, un petit peu comme la télé qui chaque fois qu’elle est allumée ne parle que de Mesrine, des Brigades Rouges ou de la bande à Baader… Ca m’a rappelé un gag de Crocodile Dundee.
Dans L’instinct de mort, la construction j’m’enfoutiste et précipitée donnait l’impression de suivre une succession de scénettes pelletées les unes après les autres sans aucune cohérence générale. Ici, c’est un tout petit peu mieux, même si le résultat est toujours décousu, on a un film quand même un chouia plus homogène. L’histoire est toujours balancée sans aucun recul et sans aucune réflexion, c’est toujours aussi vide et Richet peine à remplir le minimum syndical car il semble persuadé de pouvoir faire mieux que juste nous illustrer les faits présentés, même si les choix ou les omissions laissent toujours aussi perplexes que dans le premier film. Bien sûr il se trompe.
Parce que dans le premier film Dafri pensait qu’en présentant Mesrine raciste dans une scène, vicieux dans une autre, gangster dans une troisième, sympa dans une quatrième, amoureux dans une cinquième il allait présenter les divers contours de sa personnalité alors qu’il ne faisait qu’accumuler des scènes contradictoires. Comme si au lieu de montrer la complexité et les multiples facettes de son personnage, celui-ci ne faisait que changer de personnalité toutes les 5 minutes en enfilant les clichés les uns après les autres sans aucun lien. Ici Dafri a fait un choix, c’est déjà bien, c’est presque le début d’un commencement d’écriture : il fait le choix de présenter Mesrine comme un bouffon médiatique uniquement intéressé par son image et par les bons mots qu’il pourrait faire. Et là on va nous ressortir la même idée continuellement, sous toutes les coutures, dans tous les décors mais en réussissant l’exploit de ne jamais creuser et de toujours rester au niveau zéro de la réflexion.
Qui dit bouffon dit gaudriole, on va donc rester à ce niveau et vu le niveau général on se demande si Dafri n’a retenu des années 70 que les comédies franchouillardes de Philipe Clair. Et puisque le film évoque l’époque des nanards débiles on se prend à rêver de ce qu’aurait donné ce parti pris scénaristique s’il y avait l’élégance de l’écriture au service de la classe d’un grand acteur… On se prend à se demander ce qu’aurait donné L’ennemi public n°1 tourné par Joël Séria et interprété par Jean Pierre Marielle… La gueule que ça aurait eu bordel ! Laissez moi tranquille deux minutes, caresser cette idée incongrue, remercier presque les coupables du triste spectacle que nous nous sommes infligés pour m’avoir jeté dans les bras de ce fantasme improbable.
Las, il nous faut bien revenir à ce qui nous est projeté sur l’écran. Laissons nos rêves au guichet, ici, la pauvreté esthétique et intellectuelle ne laisse pas de place à la truculence, elle célèbre juste la vulgarité. Et autour des blagues pourries qui ponctuent le film, s’accumulent des ruptures de ton entre les mots écris pour Cassel et les citations de Mesrine. Ces dernières prononcées dans la bouche de Cassel donnent l’impression que le film nous montre deux Mesrine différents. Sauf qu’au final ce sont les mots rééls qui sonnent faux.
Comme pour la première partie ce qui est le moteur de l’Histoire et ce que révèle l’épopée nihiliste de Mesrine est laissé paresseusement de côté. Plutôt que de traiter de la guerre des polices on préfère nous montrer Mesrine qui fait semblant de faire caca (attention : « prouuuut prrrrout » ah ah ah j’adore), plutôt que de nous parler du pouvoir politique et de Giscard on préfère nous montrer Mesrine qui raconte des blagues au commissariat ou qui plaisante déguisé en flic, plutôt que de parler de la prison et de l’enfermement on préfère mettre la lumière sur Mesrine qui fait un sketch au tribunal, plutôt que de parler des différents journaux, de Minute à Libération et de leur rapport avec la société de l’époque on choisit plutôt de nous montrer Mesrine déchaîné qui en sort une bien bonne au patron du casino avec une punchline de malade : « Un mandat ? Amanda Lear ! »…
« Le travail accompli pour le personnage du criminel est véritablement prodigieux » nous dit Florent Kretz sur le site Dvdrama qui ne parle pas ici de Michael Fassbender et de sa performance dans Hunger mais du travail accompli par Cassel avec ses 30 kilos de pris et de son « cabotinage surjoué »… C’est tellement con qu’on dirait du Bégaudeau.
Mesrine finalement c’est rien de plus qu’un comique qui parle allemand avec un accent rigolo, qui porte les cheveux longs, une barbe ou des rouflaquettes... Et l’une des bonnes raisons qui rendent le film aussi peu immersif c’est aussi parce qu’à tout bout de champ on s’attend à le voir se mettre à chanter « le petit bonhomme en mousse » !
La Passion de Mesrine selon Richet ressemble en fait à un long sketch de Patrick Sébastien ! C’est vous dire si le film parait long. Par contre qu’on ne vienne pas parler de chemin de croix, de rédemption ou de symboles religieux, c’est déjà assez con comme ça… Déjà l’affiche copiée sur celle du film de Mel Gibson est d’un comique involontaire achevé, mais coller une dimension mystique au gars qu’on voit faire prout et qui fait des grimaces avec ses fausses moustaches, c’est carrément de l’inconscience totale ! J’ai paumé l’interview où Richet parle de Scorcese et explique que le film a été pensé proche de sa foi protestante… A ce niveau c’est médical je pense.

Pour le reste, aucune importance si on ne comprend pas les motivations du personnage ni pourquoi il se rapproche de l’extrême gauche plutôt que de l’extrême droite, pourquoi Bauer se rapproche de lui ou si on ne saisit pas bien la rocambolesque astuce du tribunal de Compiègne dont la supercherie doit nous être laborieusement expliqué via un flash TV… Rien non plus sur l’OCRB ni sur la BRI, rien sur ses rapports avec le banditisme, rien sur l’univers autour de Mesrine qui apparaît forcément comme un pantin gesticulant vainement dans un environnement coupé de tout. Est là une volonté de vouloir rester collé au personnage pour ne nous parler que de lui et pour sonder sa psyché, pour nous étaler les mécanismes de son caractère et pour devenir intime avec lui ? Pourquoi pas après tout, c’est un point de vue intéressant. Même raté ça aurait été au moins une prise de position artistique…
Mais là, foin de prise de position, c’est plutôt que rien n’existe au-delà d’un plateau éclairé comme une superette tout juste convenable pour une adaptation ciné de Sous le soleil. Richet, bien sûr, ne sauvera pas le film avec sa mise en scène bien plus drôle que la plupart des vannes écrites par Dafri. Flirtant avec l’amateurisme le plus total, le film n’est qu’une succession d’absurdités visuelles qu’il serait fastidieux d’énumérer ici. La grammaire de Richet est simple, si quelque chose ne va pas il filme de traviole (Sagnier en pleurs), si il y a de l’action il secoue sa caméra de manière rapide (la scène de fusillade), si il y a une grosse tension il fait valser sa caméra (la scène avec le gars de Minute, le final maladroitement distendu)… Pour les scènes particulières il tente des astuces qu’on a déjà vu 100 fois (Mesrine suivant Jean Jacquot dans la rue, les militaires qui apparaissent en ligne dans un champ à l’horizon, la scène sur l’air de Piaf…) et qui devraient condamner Richet à ne rien réaliser d’autre que Vidéo Gag.

Pratiquement nul de bout en bout, on ne peut pas conclure sans citer la musique du film. Ca doit être une autre blague probablement. Toujours hors sujet, absurde, choquante, c’est probablement le truc le plus foiré du film. C’est tellement « autre » que je me demande si il n’y a pas eu une erreur avec un autre film. Je n’ose pas croire que « ça » a été écrit exprès. Qu’ils ont été payés pour « ça ». Bordel mais qui a monté ce film ? Des techniciens ont-ils travaillés dessus ? Personne ne s’est rendu compte de rien, il n’y a donc pas de responsables !? Le fils Berry a du économiser pour sortir le film en deux parties en produisant son Astérix au même moment, aurait-il tout fait lui-même ? Et de toutes façons, que peut on attendre d’un type qui a réalisé Astérix 3 ?!

Il faut le reconnaître, c’est vrai que ce film pose des questions auxquelles on n’est pas prêt de répondre. Ceci dit, avec un peu de chance je les ai déjà oubliées, à l’instar de ces deux films qui ne laisseront rien de plus qu’un mince fumet nauséabond. Comme si un clochard avait squatté votre lit et avait disparu déjà depuis longtemps. A force de se laver les yeux, il ne restera plus rien. Et à l’aube de 2009, rien a changé car au final la meilleure adaptation de Mesrine reste la version jouée par Depardieu dans L’inspecteur Labavure. Le cinéma français est bien toujours le commissariat de la culture.